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sements aussi parfaits. Est-il un cultivateur, sous votre préture, qui n’ait payé qu’une simple dîme ? qui n’en ait payé que deux ? qui ne se soit pas cru traité favorablement quand, pour une dîme, il en a payé trois, excepté quelques protégés, complices de vos vols, qui n’ont rien donné ? Voyez quelle différence entre vos duretés odieuses et la bonté du sénat ! Le sénat, quand l’intérêt public le force à statuer qu’il sera exigé une seconde dîme, statue aussi qu’on payera cette dîme aux cultivateurs ; de sorte que, s’il prend au delà de ce qui lui est dû, il est censé acheter ce qu’il prend, et non l’enlever. Vous, lorsque vous avez exigé et arraché tant de dîmes, non d’après un sénatus-consulte, mais d’après ces règlements nouveaux et des ordonnances iniques, vous vous glorifierez d’avoir porté l’adjudication des dîmes plus haut que L. Hortensius, père de votre défenseur ; plus haut que Pompée, plus haut que M. Marcellus, qui ne se sont écartés en rien de l’équité, de la loi, de nos institutions !

XVII. Deviez-vous ne songer qu’à une ou deux années, et négliger pour l’avenir le salut de la province, les intérêts des approvisionnements, les avantages de la république, lorsque vous avez trouvé la Sicile en état de fournir au peuple romain une quantité suffisante de blé, et que cependant les agriculteurs trouvaient leur profit à cultiver les terres ? Qu’avez-vous fait ? qu’avez-vous gagné ? Pour procurer au peuple romain, sous votre préture, je ne sais quel surcroît de dîmes, vous avez fait abandonner et déserter les campagnes. L. Métellus vous a succédé. Êtes-vous plus intègre que Métellus ? êtes-vous plus sensible à la gloire et à l’honneur ? En effet, vous aspiriez au consulat ; Métellus, peut-être, n’ambitionnait pas cette dignité qu’avaient obtenue son père et son aïeul : il a porté l’adjudication des dîmes beaucoup moins haut, non seulement que vous, mais que les préteurs qui les avaient adjugées avant vous. Je vous le demande ; s’il ne pouvait imaginer lui-même un moyen d’en faire hausser l’adjudication, ne pouvait-il pas suivre les traces toutes récentes de son prédécesseur immédiat ? Ne pouvait-il pas faire usage des belles ordonnances, des beaux règlements que vous aviez conçus, imaginés, introduits ? Certes, il ne se serait guère reconnu pour un Métellus, s’il vous eût imité en la moindre chose. Il était encore à Rome, il se disposait à partir pour sa province, lorsqu’il écrivit aux habitants des villes de Sicile, ce qui ne s’était jamais fait avant lui, pour les exhorter à labourer, à ensemencer les terres qu’ils doivent au peuple romain. Il leur fait cette prière un peu avant son arrivée, et en même temps il annonce qu’il affermera les dîmes d’après la loi d’Hiéron, c’est-à-dire que, dans toutes les adjudications de dîmes, il n’imitera en rien Verrès. Et ce n’est point par amour du pouvoir qu’il écrit avant le temps dans une province qu’un autre gouvernait encore ; c’est par prudence : peut-être, s’il eût laissé passer le temps des semailles, n’aurions-nous pas eu un grain de blé dans la province de Sicile. Écoutez la lettre même de L. Métellus. LETTRE DE L. METELLUS.

XVIII. C’est, Romains, à cette lettre de L. Métellus, dont vous venez d’entendre la lecture, que l’on doit tout le blé recueilli dans la Sicile. On n’aurait point tracé un sillon dans les campagnes de cette province sujette aux dîmes, si Métellus n’eût écrit cette lettre. Mais quoi ! sont-ce les dieux qui lui ont inspiré cette pensée ? ou bien a--