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tius. Nous examinions à Syracuse les registres de la compagnie, dressés par Carpinatius, registres où l’on reconnaissait ceux qui, ayant remis de l’argent à Verrès, s’étaient constitués à plusieurs reprises débiteurs de Carpinatius. La chose sera pour vous, juges, plus claire que le jour, lorsque je produirai ceux qui ont remis l’argent : vous verrez que les époques où ils se sont rachetés, à prix d’or, des persécutions qu’on leur suscitait, s’accordent avec les registres de la compagnie non seulement pour les années, mais encore pour les mois. Au moment que nous faisions nos recherches, et que nous étions saisis des registres, nous y apercevons tout à coup des ratures toutes fraîches, et comme des cicatrices encore récentes. Frappés soudain d’un soupçon, nous jetons de préférence les yeux sur les noms qu’on avait altérés. Il se trouvait, parmi les recettes, plusieurs sommes au nom d’un C. Verrutius, fils de Caïus, de façon cependant que, jusqu’au second R du nom, les lettres étaient bien formées, et que toutes les autres paraissaient brouillées et confuses. Un second article, un troisième, un quatrième, et beaucoup d’autres, présentaient la même altération. La fraude était manifeste ; rien n’était plus clair que cette honteuse et criminelle falsification des registres. Nous demandons à Carpinatius quel était ce Verrutius avec lequel il avait fait des affaires aussi considérables. Interdit, agité, il ne sait que dire, il rougit. La loi ne permet pas de transporter à Rome les registres des fermiers publics ; voulant vérifier et certifier la chose, je cite Carpinatius devant Métellus, et je porte au tribunal les registres de la compagnie. Ce procès attire une foule immense : l’association de Carpinatius avec Verrès et leur complicité usuraire étant connues, tout le monde avait la plus vive impatience de savoir ce que pouvaient contenir les registres.

LXXVII. Je dénonce la chose à Métellus ; je lui dis que j’ai examiné les registres de la ferme ; qu’il s’y trouve un compte très détaillé au nom de Caïus Verrutius ; qu’il résulte de l’examen des mois et des années, que ce Verrutius n’a fait aucune affaire avec Carpinatius, ni avant l’arrivée, ni après le départ de Caïus Verrès. Je demande à Carpinatius de me dire quel est ce Verrutius : est-il commerçant, négociant, agriculteur ou pacager ? est-il encore en Sicile, ou est-il déjà parti ? Tous les citoyens romains de Syracuse s’écrient qu’il n’y a jamais eu de Verrutius dans la Sicile. Je le presse de me répondre, de me dire où il est, quel il est, d’où il est ; pourquoi le commis de la ferme, chargé d’en dresser les registres, s’est toujours trompé d’une lettre en écrivant le nom de Verrutius ? Je lui faisais ces questions, non que je crusse pouvoir obtenir une réponse, malgré lui, mais pour mettre en évidence les vols de Verrès, l’infamie de Carpinatius, l’audace de tous deux. Je laisse Carpinatius devant le tribunal, muet de crainte, accablé de remords, à peine vivant ; dans la place même, devant une foule de témoins, je fais transcrire les registres ; j’emploie, pour cette opération, les principaux citoyens romains de la ville de Syracuse ; toutes les lettres et ratures sont transcrites et copiées avec la plus grande exactitude. La copie est vérifiée, collationnée avec un soin extrême, et scellée par des hommes irréprochables. Si Carpinatius n’a pas voulu me répondre, vous, Verrès,