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teurs feraient abattre les statues de Verrès, celles de son père et de son fils, et qu’au moins trente sénateurs assisteraient à l’exécution du décret. Voyez la sagesse et la dignité de cette ville : elle n’a pas voulu laisser subsister dans son enceinte des statues qu’on l’avait forcée d’élever par autorité ; les statues d’un homme contre lequel elle avait envoyé à Rome, chose inusitée jusque-là ! des députés avec des instructions et les plus graves témoignages : elle a pensé que l’exemple serait plus grand, si Verrès était puni par une délibération du sénat et du peuple, et non par la violence de la multitude assemblée. À peine le décret de la ville de Centorbe est-il exécuté, que Métellus en est instruit ; il en témoigne du mécontentement ; il mande le magistrat de Centorbe et les dix premiers citoyens ; il menace de sévir contre eux ; s’ils ne remettent en place les statues. Ceux-ci font leur rapport au sénat. Les statues, qui ne rendaient pas meilleure la cause de Verrès, sont remises sur leurs bases ; les décrets au sujet des statues sont laissés dans les registres publics. Je suis d’humeur à passer bien des choses, mais je ne puis absolument pardonner à Métellus, cet homme si sage, une conduite si légère. Croyait-il donc que les statues de Verrès renversées, quand elles pouvaient l’être par un coup de vent, ou par quelque accident semblable, prouveraient quelque chose contre lui ? Il n’y avait pas lieu d’accuser ni de blâmer la ville de Centorbe. Qui accuse, qui charge un prévenu ? les jugements et les dispositions des autres hommes.

LXVIII. Si Métellus n’eût par forcé les habitants de Centorbe de rétablir les statues, je dirais : Voyez, Romains, de quelle vive et amère douleur les vexations de C. Verrès ont pénétré les cœurs de nos alliés et de nos amis ; Centorbe, cette ville qui nous est si dévouée, cette ville fidèle, unie au peuple romain par de si grands services, qui a toujours chéri notre empire, et jusqu’au nom des Romains dans chaque particulier ; oui, la ville de Centorbe, d’après une délibération publique et authentique, a décidé de ne laisser dans son enceinte aucune statue de Verrès. Je ferais lire les décrets de la ville, je louerais les citoyens, et je le pourrais faire avec vérité ; je compterais dix mille de ces citoyens, de ces fidèles et courageux alliés, qui tous ont décrété qu’il fallait ne laisser dans leur ville aucun monument de verrès. Voilà ce que je dirais, si Métellus n’eût pas fait replacer les statues. À présent, je veux demander à Métellus lui-même quelle force son coup d’autorité a ôtée à mon discours : il m’est permis encore, je pense, de tenir le même langage. En effet, les statues fussent-elles demeurées debout, ne pouvant vous les montrer étendues sur la terre, je dirais seulement : Une ville respectable a décidé qu’on abattrait les statues de Verrès. Métellus ne m’a pas ôté l’avantage de le dire ; il m’a même donné le droit de me plaindre, si je le juge à propos, de ce gouvernement inique qui ne laisse pas nos alliés et nos amis libres dans la distribution de leurs bienfaits ; bien plus, il m’a donné le moyen de vous faire juger quel il a pu être dans les occasions où il pouvait me nuire, puisqu’il a manifesté sa passion si visiblement dans une circonstance où il ne me nuisait pas. Mais je ne m’emporte point contre Métellus : il voudrait faire croire, et il répète sans cesse, qu’il n’a rien fait à dessein,