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compte du cours des astres que de la ciselure des vases d’argent, ordonne de retrancher non pas un jour du mois, mais un mois et demi de l’année ; de cette façon, le jour, par exemple, qui devait être les ides de janvier, devint celui des calendes de mars. Cela s’exécute malgré les oppositions et la douleur de toute la ville. Tel fut le jour légal pour la tenue des comices. De cette manière, Climachias fut proclamé pontife. Hérodote, revenu de Rome, quinze jours, à ce qu’il croyait, avant les comices, se voit au mois qui suit celui des comices, et l’élection déjà faite depuis trente jours. Il fallut bien que les Céphalédiens décrétassent un mois intercalaire de quarante-cinq jours pour faire revenir les autres à leur rang accoutumé. Si la chose eût été possible à Rome, Verrès n’eût pas manqué de chercher quelque moyen de supprimer les quarante-cinq jours entre les jeux du cirque et ceux de la Victoire, seul intervalle où il pût être jugé.

LIII. Et les censeurs, comment furent-ils nommés en Sicile, durant sa préture ? il n’est pas inutile de vous l’apprendre. C’est une magistrature qui, chez les Siciliens, est conférée par le peuple avec une extrême attention, parce que tous les Siciliens payent chaque année le tribut d’après le cens ; or, dans l’établissement du cens, soit pour estimer les biens, soit pour fixer la somme à fournir par chacun, tout pouvoir est laissé aux censeurs. Aussi le peuple met-il le plus grand soin à choisir un homme qui doit être l’arbitre de sa fortune ; et cette magistrature est briguée avec beaucoup de vivacité à cause du grand pouvoir qui l’accompagne. Ici Verrès ne voulut pas suivre une marche obscure, ni tromper dans le tirage au sort, ni retrancher des jours du calendrier ; il n’eut recours à aucune machination, à aucune méchanceté ; mais, afin d’éteindre dans toutes les villes la passion des emplois et des brigues, causes ordinaires de la ruine des États, il annonça que dans toutes les villes il nommerait lui-même les censeurs. À la nouvelle de ce marché ouvert chez le préteur, de tous les côtés on accourt chez lui à Syracuse. Tout son palais est agité par les rivalités et l’ambition des prétendants : et faut-il s’en étonner ? tous les comices de tant de villes se trouvaient réunis dans une seule maison, et toutes les ambitions d’une province étaient renfermées dans une seule chambre ! Les enchères étaient flagrantes ; les prix, débattus ; Timarchide portait sur ses livres deux censeurs pour chaque ville. C’est lui dont les peines, les démarches, la sollicitude dans une opération si épineuse et si désagréable, faisaient parvenir à Verrès, sans qu’il se donnât la moindre inquiétude, des sommes immenses. Jusqu’où s’élèvent les sommes réalisées par ce Timarchide, vous n’avez pu encore le savoir parfaitement ; toutefois, dans la première action, une foule de témoignages vous ont appris par quels moyens divers et odieux il a exercé ses rapines.

LIV. Mais, pour que vous ne soyez pas surpris de voir cet affranchi si puissant auprès de Verrès, je vais vous exposer en peu de mots quel homme c’est que ce Timarchide ; vous en connaîtrez mieux et la perversité de Verrès qui l’avait auprès de lui, dans ce rang et dans ce degré de confiance, et l’infortune de la province. Dans l’art de corrompre les femmes, dans tous les excès, dans tous les déportements de ce genre, ce Timarchide me