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damnez non seulement sans accusation et sans témoin, mais sans accusateur ? Quel homme ? dieux immortels ! je ne dirai pas votre ami, ce titre si cher parmi les hommes ; ni votre hôte, ce titre si sacré ; car il n’est rien de Sthénius que je rappelle moins volontiers, il n’est rien que je trouve à reprendre en lui, si ce n’est qu’étant le plus sage et le plus intègre de tous les hommes, il vous a invité à demeurer dans sa maison, vous qui respirez la débauche, le crime et l’infamie ; si ce n’est qu’ayant été, et étant encore l’hôte de C. Marius, de Cn. Pompée, de C. Marcellus, de L. Sisenna, un de vos défenseurs, et d’autres personnages si considérables, il a écrit votre nom à côté de celui de ces hommes illustres. Ainsi, je ne me plains pas de l’hospitalité violée par un crime affreux ; je parle, non pour ceux qui connaissent Sthénius, c’est-à-dire, pour tous ceux qui ont été en Sicile, et dont aucun n’ignore combien il est honoré dans sa patrie, de quelle estime, de quelle considération il jouit auprès de tous les Siciliens ; mais je veux faire comprendre même à ceux qui n’ont jamais été en Sicile, de quel homme vous avez résolu de faire un exemple, qui, par l’iniquité de la persécution, autant que par la condition de la victime, devait paraître à tout le monde révoltant et intolérable.

XLVI. Sthénius n’est-il pas l’homme qui, après avoir obtenu sans effort dans sa patrie toutes les magistratures, les a gérées de la manière la plus noble et la plus magnifique ? Qui a relevé la petitesse de sa ville par la beauté des édifices publics et des monuments dont il l’a décorée à ses frais ? N’est-ce pas lui dont les services envers larépublique des Thermitains et la Sicile tout entière, sont attestés par une table d’airain placée dans la salle du sénat de Thermes, et sur laquelle est gravée une mention publique de ses bienfaits ? Cette table fut alors enlevée par votre ordre ; mais je l’ai retrouvée et rapportée à Rome, afin que tout le monde pût connaître les honneurs et la considération dont Sthénius jouit parmi les siens. N’est-ce pas lui qui, accusé par ses ennemis devant l’illustre Pompée, d’avoir été jeté, par ses liaisons d’hospitalité avec C. Marius, dans des opinions contraires aux intérêts de la république, accusation fausse et propre à le rendre odieux ; n’est-ce pas lui, dis-je, qui fut si complètement absous par Pompée, que celui-ci, pendant le procès même, le jugea digne de devenir son hôte ? N’est-ce pas lui qui fut si vivement recommandé et défendu par tous les Siciliens, que ce même Pompée, en le renvoyant absous, crut s’être attiré la reconnaissance non d’un seul homme, mais de toute la province ? Enfin, n’est-ce pas lui qui a eu de tels sentiments envers la république et tant d’autorité auprès de ses concitoyens, que seul, en Sicile, il est venu à bout, ce qu’aucun Sicilien, ce que même la Sicile tout entière n’avait pu faire, de vous empêcher de porter la main sur aucune statue, sur aucun ornement, sur aucun objet, soit sacré, soit public, appartenant à la ville de Thermes, quoiqu’il s’y trouvât un grand nombre de fort beaux ouvrages, et que vous y eussiez tout convoité ? Voyez aujourd’hui quelle différence entre vous, Verrès, qui avez donné votre nom à des fêtes que célèbre la Sicile ; entre vous, à qui sont élevées, dans Rome, des statues dorées, que vous a votées,