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l’instance. Voilà le véritable état de la question ; voilà toute la cause. Vous voyez, Aquilius, qu’il ne s’agit point ici d’une discussion pécuniaire, mais de l’honneur et de l’existence civile de Publius Quintius. Nos ancêtres ont voulu que quiconque défendrait en justice d’aussi grands intérêts, ne parlât qu’après son adversaire ; et l’imposture inouïe de nos accusateurs nous force à parler les premiers. Ces orateurs dont la bouche ne s’ouvre ordinairement que pour défendre, viennent nous accuser ; et la persécution s’arme contre nous de cette éloquence dont tant d’opprimés éprouvèrent les secours généreux. Il ne restait plus à nos ennemis qu’à vous forcer, par ordonnance, de nous prescrire le temps que durerait notre plaidoyer. Hier, ils ont essayé de le faire, et ils l’auraient facilement obtenu du préteur, si vous ne lui aviez appris quels sont vos droits et vos devoirs. Non, excepté vous, il n’est encore personne auprès de qui nous ayons obtenu justice contre eux ; et, de leur côté jamais concession ne put les satisfaire, pour peu qu’elle fût raisonnable. C’est l’injustice qu’ils veulent ; sans elle, ils comptent pour rien le crédit et la puissance.

X. Mais puisque Hortensius vous presse de prononcer la sentence, puisqu’il me somme de ne pas perdre le temps à discourir ; puisqu’il se plaint qu’avec l’orateur qui m’a précédé on n’aurait jamais conclu ; je ne souffrirai pas qu’on nous soupçonne davantage de ne vouloir point de jugement. Je n’ai pas assez de présomption pour me croire capable de plaider cette cause mieux qu’elle ne l’a été avant moi. Toutefois je ne serai pas aussi long, parce que le premier défenseur a suffisamment éclairci l’affaire, et que d’ailleurs n’ayant ni la fécondité, ni les forces nécessaires pour parler longtemps, je suis moi-même très-ami de la brièveté qu’on me demande. Je ferai, Hortensius, ce que je vous ai vu faire souvent : je diviserai tout mon plaidoyer en plusieurs parties distinctes et séparées. Vous le faites toujours, parce que vous le pouvez toujours ; je le ferai dans ce discours, parce que je crois le pouvoir. Ce talent que la nature ne vous refuse jamais, ma cause me le donne aujourd’hui. Je me prescrirai des bornes et des limites que je ne puisse franchir, quand même je le voudrais. Ainsi, j’aurai devant les yeux ce que je dois dire ; Hortensius, ce qu’il devra réfuter ; vous, Aquilius, vous saurez d’avance sur quels objets vous devez nous entendre.

Je soutiens, Névius, que vous n’avez point possédé les biens de Publius Quintius en vertu de l’édit. C’est là ce que mon client s’est engagé à prouver. Je montrerai d’abord que vous n’avez jamais eu de motif pour demander au préteur l’envoi en possession ; ensuite que vous n’avez pu posséder d’après son édit, enfin que vous n’avez point possédé. Je vous prie, Aquilius, et vous qui siégez avec lui sur ce tribunal, de bien graver dans votre mémoire ce que je viens de promettre. Si vous vous eu souvenez bien, vous vous ferez plus facilement une idée de toute l’affaire ; et vos secrètes censures me rappelleront d’elles-mêmes à mon sujet, si j’essayais de franchir la ligne que j’ai tracée autour de moi. Non, il n’a point eu droit de demander la saisie ;