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dessein de donner de l’argent au préteur ; mais que celui-ci préfère en recevoir pour le sauver, et qu’il tient également, si cela est possible, à ne pas annuler le jugement. Sopater, à ce coup imprévu, laisse voir du trouble ; il ne peut rien répondre sur le moment à Timarchide, sinon qu’il va réfléchir à ce qu’il doit faire ; en même temps il lui déclare que sa situation pécuniaire est fort gênée. Ensuite, il rend compte du fait à ses amis. Sur leur conseil qu’il devait se racheter, il vient trouver Timarchide, lui expose les difficultés de sa situation, l’amène à se contenter de quatre-vingt mille sesterces, et lui compte cette somme.

XXIX. Lorsqu’on vint à plaider la cause, oh ! alors plus de crainte, plus d’inquiétude pour les défenseurs de Sopater : l’accusation était sans fondement ; l’affaire, jugée ; Verrès avait reçu l’argent. Qui pouvait douter du succès ? On ne termine pas les plaidoiries ce jour-là ; on ajourne le tribunal. Timarchide vient de nouveau trouver Sopater : les accusateurs, lui dit-il, offrent au préteur une somme beaucoup plus forte ; qu’il avise donc, s’il est sage, à ce qui lui reste à faire. Sopater ; quoique Sicilien et accusé, c’est-à-dire, avec des droits méconnus et une situation mauvaise, ne put ni supporter, ni écouter plus longtemps Timarchide. Faites, lui dit-il, ce qu’il vous plaira, je ne donnerai pas davantage. C’était l’avis de ses amis et de ses défenseurs ; et ils y tenaient d’autant plus que Verrès, quelles que fussent ses dispositions dans cette cause, avait dans son conseil d’honorables citoyens romains établis à Syracuse, lesquels avaient fait partie du conseil de Sacedors lors que Sopater fut absous. Il leur paraissait impossible que, sur la même accusation, avec les mêmes témoins, on fit condamner Sopater par les mêmes hommes qui auparavant l’avaient absous. Dans cette confiance, on se présente au tribunal. Ceux qui formaient ordinairement le conseil, y étaient venus en grand nombre ; et toute la défense de Sopater reposait sur cette même espérance, sur ce grand nombre, sur la considération des membres du conseil, et, je le répète, sur la présence de ces mêmes juges qui avaient déjà renvoyé Sopater de la même accusation. Mais voyez, juges, l’iniquité et l’audace de Verrès : il ne les couvre ni d’une apparence de raison ni du moindre voile qui en dissimule l’effronterie. Il ordonne à M. Pétillas, chevalier romain, membre du conseil, d’aller s’occuper d’une cause particulière dont il était le principal juge. Pétilius refuse, disant qu’il veut avoir pour assesseurs ses amis que retenait Verrès. Celui-ci, en homme généreux, dit qu’il ne retient aucun de ceux qui voudraient assister Pétilius. Ainsi les juges se retirent tous : car les autres obtiennent aussi de n’être pas retenus ; ils voulaient, disaient-ils, se trouver à cette cause, dans l’intérêt de l’une ou de l’autre partie. Verrès est laissé seul avec sa bande. Minucius, qui défendait Sopater, ne doutait point que Verrès, ayant congédié son conseil, ne jugerait pas l’affaire ce jour-là : tout à coup il reçoit l’ordre de parler. Devant qui ? répondit-il. Devant moi, dit Verrès, si je vous semble capable de juger un Sicilien, un misérable Grec. Vous en êtes capable, reprend Minucius ; mais je voudrais voir