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extorqué depuis une beaucoup plus forte : aussi les amis d’Épicrate cessèrent-ils de le défendre ; Verrès adjugea aux Bidiens la possession et la propriété de toute la fortune. Ainsi, aux cinq cent mille sesterces de la succession, se joignirent les quinze cent mille autres, , qu’Epicrate possédait de son chef. L’affaire a-t-elle été conduite de telle manière, la somme est-elle si faible, et Verrès est-il d’un caractère si honorable qu’on puisse supposer qu’il a agi sans intérêt dans cette circonstance ? Apprenez maintenant, juges, l’infortune des Siciliens. Héraclius de Syracuse, Épicrate de Bidis, dépouillés de tous leurs biens, vinrent à Rome : revêtus d’habits de deuil, la barbe longue, et les cheveux incultes, ils y restèrent environ deux ans. Lorsque Métellus partit pour la province, ils partirent avec lui munis des meilleures recommandations. À peine arrivé à Syracuse, Métellus cassa les deux décrets rendus contre Épicrate et contre Héraclius : mais il ne restait des biens de l’un et de l’autre que ce qui n’avait pu être déplacé.

XXVI. C’était agir noblement, que de réparer autant qu’il était possible, dès son arrivée, toutes les injustices de Verrès. Métellus avait ordonné de réintégrer Héraclius dans ses biens : mais la réintégration n’ayant pas lieu, tous les sénateurs de Syracuse que faisait assigner Héraclius étaient conduits en prison ; un grand nombre y furent conduits. Pour Épicrate, il fut aussitôt réintégré. On cassa d’autres jugements soit à Lilybée, soit à Agrigente, soit à Palerme. Métellus avait déclaré qu’il ne maintiendrait pas le cens au taux fixé sous la préture de Verrès ; quant aux dîmes, quecelui-ci avait affermées contrairement à la loi d’Hiéron, il avait annoncé qu’il les affermerait d’après cette loi. Tels étaient tous les actes de Métellus, qu’il semblait réformer toute la préture de Verrès. Aussitôt que j’eus mis le pied en Sicile, Métellus changea entièrement. Il lui était venu depuis deux jours un certain Létilius, homme dont l’esprit ne manquait pas de culture ; aussi Verrès en fit-il toujours son messager. Il avait apporté plusieurs lettres : entre autres, une de Rome, qui avait entièrement changé Métellus. Soudain, celui-ci se prit à dire, qu’il voulait tout ce qui était dans l’intérêt de Verrès ; qu’il était son ami, et même son parent. On s’étonnait que cette idée ne lui fût venue qu’après lui avoir, partant d’actes et de décrets, mis le couteau sous la gorge. Quelques-uns pensaient que Létilius lui avait été député par Verrès pour lui rappeler leurs relations, leur amitié, leur parenté. Depuis ce moment, il demandait aux villes des apologies ; non content d’effrayer les témoins par des paroles, il les retenait de force. Et si, à mon arrivée, je n’eusse un peu arrêté ses entreprises ; si je n’eusse fait valoir auprès des Siciliens, non pas des lettres de Métellus, mais des lettres de Glabrion, mais la loi elle-même, je n’aurais pu appeler ici tant de témoins.

XXVII. Mais, pour revenir à ce que je disais tout à l’heure, apprenez l’infortune des Siciliens. Héraclius et Épicrate vinrent bien loin à ma rencontre avec tous leurs amis ; à mon entrée à Syracuse, ils me remercièrent les yeux pleins de larmes ; ils voulurent m’accompagner à Rome. Comme il me restait encore beaucoup de villes à visiter, j’arrêtai avec eux le jour où ils me re-