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avaient compromis son honneur et son rang ? Ne devait-il pas sévir et contre celui qui avait reçu et contre ceux qui avaient donné ? Vous, Verrès, qui aviez résolu de punir ceux qui auraient mal jugé, ce qui souvent arrive sans qu’on le veuille, vous laissez impunis ceux qui, pour vendre ou acheter vos décrets et vos jugements, ont cru de-voir donner ou recevoir de l’argent ! Et depuis, Volcatius a toujours eu la même influence auprès de vous, Volcatius, un chevalier romain flétri d’une telle ignominie !

XXIV. Eh ! quoi de plus honteux pour un homme bien né, quoi de plus indigne d’un homme libre que d’être forcé par un magistrat, devant une assemblée nombreuse, de restituer le fruit d’un vol ? Si Volcatius avait eu l’âme, je ne dis pas d’un chevalier romain, mais de tout homme libre, aurait-il pu seulement vous regarder ? il eût été votre ennemi, et un ennemi déclaré, après avoir reçu de vous un si cruel affront, à moins qu’il ne se fût entendu avec vous, qu’il n’eût servi votre réputation de préférence à la sienne. Au contraire, il a été votre ami pendant tout le temps qu’il est resté avec vous dans la province ; il l’est encore aujourd’hui que vos autres amis vous ont délaissé, vous le savez, et nous pouvons en juger par nous-même. Mais de ce que Volcatius n’a pas eu de haine contre lui, ou de ce que Verrès n’a sévi ni contre Volcatius ni contre les Bidiens, est-ce la seule preuve que rien ne s’est fait à son insu ? C’est une grande preuve ; mais voici la plus forte de toutes. Verrès devait être irrité contre les Bidiens ; il avait découvert que, ne pouvant poursuivre Epicrate en justice, eût-il été présent, ils avaient essayé d’obtenir un décret à prix d’or ; cependant il ne se contenta pas n’adjuger aux Bidiens la succession échue à Épicrate ; mais, ainsi qu’il avait fait pour Héraclius, et plus injustement encore, puisqu’il n’y eut pas de sommation, il leur livra la fortune et le patrimoine d’un absent. Il déclara, ce qui était sans exemple, que si l’on faisait des réclamations contre un absent, il les accueillerait. Les Bidiens se présentent, ils réclament la succession. Les chargés d’affaires d’Épicrate demandent à Verrès de les renvoyer à leurs lois, ou d’instruire la cause d’après la loi Rupilia. Les adversaires n’osaient rien opposer ; on ne trouvait aucun expédient. Ils accusent Épicrate d’être parti pour frustrer ses créanciers ; ils demandent à être envoyés en possession de ses biens. Épicrate n’avait aucune dette ; ses amis s’engageaient, si on réclamait quelque somme, à subir un jugement, et à fournir caution suffisante.

XXV. Comme l’affaire languissait, les adversaires, d’après le conseil de Verrès, accusent Épicrate d’avoir falsifié des actes publics : un pareil soupçon ne pouvait atteindre Épicrate. Ils demandent à le traduire en justice pour ce crime. Ses amis ne veulent pas qu’on lui fasse subir un nouveau jugement, qu’on prononce en son absence, sur ce qui touche son honneur ; ils continuent à demander qu’on les renvoie à leurs lois. Verrès, ravi de voir qu’il se trouvait un point sur lequel les amis d’Épicrate refusent de le défendre en son absence, déclare aussitôt qu’il autorise l’accusation, et principalement sur ce chef. Il était évident pour tout le monde que la somme qu’il avait eu l’air de laisser sortir de ses mains y était revenue, et qu’il en avait même