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alors dans la province, et que je nomme avec le respect dû à son rang. Vous pouvez juger, par ses ordonnances, avec quelle vigueur il a cru devoir réprimer cet attentat. Cependant à Rome, Alphenus était chaque jour aux prises avec ce rusé gladiateur : lutte acharnée, ou certes il avait pour lui le peuple, indigné de voir son ennemi viser toujours au cœur. Névius voulait que le fondé de pouvoirs donnât caution pour l’exécution de la sentence qui serait prononcée. Alphenus répondait qu’il n’était pas juste d’exiger du procureur une caution que la partie ne donnerait pas si elle était présente. On en appelle aux tribuns, et, malgré la demande expresse de leur intervention, le débat finit par la parole que donne Alphenus, que Publius comparaîtra aux ides de septembre.

VIII. Publius vient à Rome ; il comparait. Que fait notre ardent adversaire, ce créancier si pressé de saisir, ce spoliateur, ce ravisseur ? Il reste dix-huit mois tranquille et sans rien demander ; il amuse mon client par de vaines propositions ; enfin il requiert du prêteur Dolabella, que Publius soit obligé de fournir caution pour la somme en litige, d’après la formule, quod ab eo petat, alléguant qu’il avait possédé ses biens pendant trente jours aux termes de l’édit. Publius ne se refusait pas à fournir la caution, mais sous la réserve que cette possession eût été légale et réelle. Le préteur prononce un arrêt ; équitable ? je n’en dis rien ; extraordinaire ? je l’affirme ; encore eussé-je pu me dispenser de le qualifier ainsi : tout le monde peut le juger sous l’un et l’autre rapport. Il prononce que Publius, s’il ne veut donner caution, portera à Névius le défi juridique de prouver que ses biens ont été possédés pendant trente jours d’après l’édit du préteur Burrhiénus. Les amis de Publius s’y opposaient. Il faut, disaient-ils, plaider sur le fond du procès, afin qu’il n’y ait pas de caution, ou que la caution soit réciproque : agir autrement, c’est compromettre sans nécessité l’honneur d’une des parties. Publius criait de son côté que s’il donnait caution, ce serait avouer par le fait que ses biens ont été légalement saisis ; et que s’il entreprenait de prouver qu’ils ne l’ont pas été, il s’exposait, comme l’événement le démontre, à parler le premier dans une cause ou il y allait de son existence. Dolabella lit ce que font tous les nobles : quand ils ont pris un parti, soit bon soit mauvais, ils s’élèvent, dans le bien et dans le mal, à une perfection que ne peut atteindre nul homme de notre classe. Dolabella soutint avec fermeté son injuste décision. Il enjoint à Publius ou de donner caution, ou de plaider sur la saisie. En attendant il repousse durement nos amis qui osaient réclamer.

IX. Publius se retire consterné, et ce n’est pas sans raison. On ne lui laissait que la triste et injuste alternative de se condamner lui-même en donnant la caution, ou de parler le premier dans une affaire capitale, en se soumettant à plaider sur la saisie. Dans le premier cas, rien ne pouvait le soustraire à l’humiliante nécessité de prononcer sa propre condamnation ; dans le second, il lui restait au moins l’espoir d’obtenir un juge au tribunal duquel il trouverait d’autant plus de protection qu’il y aurait apporté moins de crédit. Il s’est donc soumis à plaider sur la saisie. Il vous a pris pour juge, Aquillius, et il a commencé