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formez son conseil, redoublez ici d’attention : vous allez connaître un nouveau genre de perfidie ; je vais vous dévoiler une intrigue sans exemple. Névius déclare qu’il a fait une vente publique dans la Gaule ; qu’il a vendu ce qu’il a jugé à propos ; qu’il a pris ses mesures pour que la société ne lui dût rien ; qu’il est décidé à ne plus donner ni recevoir d’assignation ; que si Publius veut lui en demander acte, il ne s’y refuse pas. Celui-ci, qui désirait visiter ses propriétés de la Gaule, ne forme point alors cette demande. Ainsi l’on se sépare sans ajournement de part ni d’autre. Publius reste encore à Rome environ trente jours. Afin de faire sans inquiétude son voyage en Gaule, il obtient un délai de tous ceux avec lesquels il avait engagement de comparaître. Il part ; il sort de Rome le 30 janvier, sous le consulat de Scipion et de Norbanus. Je vous prie de ne pas oublier cette date. Avec lui part un citoyen honorable, L. Albius, fils de Sextus, de la tribu Quirinale. Arrivés aux Gués de Volaterre, ils y rencontrent Publicius, intime ami de Névius, qui lui amenait de la Gaule des esclaves qu’il voulait vendre. Dès son arrivée à Rome, Publicius raconte à Névius dans quel lieu il a vu son associé. Sans ce prompt avis, le procès ne se serait pas engagé si tôt. Alors Névius dépêche ses esclaves chez tous ses amis. Lui-même va chercher ses familiers sous les portiques de Licinius et dans les avenues du marché, et leur donne rendez-vous au bureau de Sextius pour le lendemain à la seconde heure. Ils y viennent en grand nombre, Névius les prend à témoin qu’il a comparu, et que Publius ne l’a pas fait. On dresse un long procès-verbal, auquel ses nobles amis apposent leur sceau. On se sépare. Névius requiert du préteur Burrhiénus, aux termes de son édit, l’envoi en possession des biens de l’absent. Il affiche la spoliation d’un homme dont il avait été l’ami, dont il était l’associé, et dont il ne pouvait cesser d’être le parent, tant que ses enfants seraient en vie. Tant il est vrai qu’il n’y a pas de devoir si saint et si respectable que la cupidité n’outrage et ne foule aux pieds ! Car si la franchise, la loyauté, l’affection, sont les premiers sentiments qu’on doit à un ami, a un associé, à un parent, certes, essayer de ravir l’honneur et la fortune à l’homme revêtu de ces titres sacrés, c’est se proclamer soi-même fourbe, perfide, dénaturé. Sextus Alphénus, fondé de pouvoir de Publius, ami et parent de son adversaire, enlève les affiches, reprend un esclave dont Névius s’était emparé, déclare qu’il se présente comme procureur, prie Névius d’avoir pour l’honneur et la fortune de Publius les égards que l’équité demande, et d’attendre son retour. S’il s’y refuse, s’il s’imagine par ces procédés violents faire la loi à son associé, Alphénus n’implore point de grâce : que l’on attaque en justice ; il est prêt à répondre. Pendant que cette scène se passe à Rome, Publius, au mépris des lois, de la coutume, des édits des préteurs, est chassé violemment, par les esclaves de la société, des terres et des pâturages appartenant à la société.

VII. Je consens, Aquillius, que vous approuviez tout ce que Névius a fait à Rome, si ce qui a été fait dans la Gaule en vertu de ses lettres, vous paraît juste et raisonnable. Dépouillé, chassé de son bien par une si criante injustice, Publius a recours au général C. Flaccus, qui se trouvait