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lois, à l’équité des magistrats et à la sagesse de vos décisions. Cet enfant, dépouillé de son bien par l’adjudication criminelle et le brigandage abominable de Verrès, s’est présenté devant ses juges, ne fût-ce que pour voir, dans un habillement un peu plus modeste, celui qui, depuis plusieurs années, le réduit lui-même aux tristes vêtements de la misère. Aussi, Hortensius, ce qui vous paraissait populaire, ce n’était pas son âge, mais sa cause ; ni ses vêtements, mais l’état de sa fortune ; vous étiez moins irrité de ce qu’il avait sa robe prétexte, que de ce qu’il n’avait pas le collier de l’enfance : car personne n’était ému à la vue de cette robe que lui donnaient la coutume et son droit d’enfant libre, mais tout le monde s’indignait de ce qu’un brigand l’eût dépouillé de cet ornement de son âge que son père lui avait donné comme le témoignage et la marque distinctive de sa condition. Ces larmes n’avaient rien de plus populaire que les nôtres, que les vôtres, Hortensius, que les pleurs de ceux qui doivent nous juger. C’est donc parce qu’il s’agit ici de la cause commune, du danger commun, que tous doivent s’entendre pour éteindre l’incendie dont nous menace une telle perversité. En effet, nous avons des enfants en bas âge, et nous ne savons pas combien chacun de nous a encore à vivre : nous devons, dès à présent, veiller et pourvoir à ce que leur abandon et leur faiblesse trouvent après nous une protection. Et qui pourrait défendre nos enfants contre l’iniquité des magistrats ? une mère, sans doute. En effet, la mère de la pupille Annia, cette femme du premier rang, lui a été d’un grand secours ! et ses supplications, ses prières aux dieux et aux hommes ont empêché Verrès de dépouiller la jeune fille des biens de son père ! Mais des tuteurs les défendraient ? rien de plus facile sans doute ; contre un préteur comme Verrès, lui que n’ont ému, dans l’affaire du pupille Junius, ni les représentations ni les prières, ni l’autorité d’un tuteur tel que M. Marcellus.

LIX. Et nous demandons encore ce qu’il a fait au fond de la Phrygie, aux extrémités de la Pamphylie ? Quels ont été ses brigandages même dans une guerre contre les brigands ? lui encore qui, dans le forum du peuple romain, s’est montré le plus abominable de tous les pirates ! Nous doutons de son audace à s’emparer des dépouilles des ennemis, lui qui s’est fait un si riche butin du butin conquis par L. Metellus ! lui qui, pour quatre colonnes à blanchir, a osé faire payer plus cher qu’il n’en avait conté à Métellus pour les faire construire toutes ! Nous attendons les dépositions des témoins de Sicile. Mais qui jamais a jeté les yeux sur ce temple, Verrès, sans être le témoin de votre avarice, de votre iniquité, de votre audace ! Qui est jamais venu de la statue de Vertumne au grand cirque, sans voir à chaque pas les marques de votre cupidité. Cette rue où doit passer la pompe de nos chars sacrés, vous l’avez laissée en tel état, que vous n’oseriez y passer vous-même. Qui croira que, séparé de l’Italie par le détroit, vous ayez épargné nos alliés ? vous qui avez laissé dans le temple de Castor de telles marques de vos brigandages que le peuple romain et vos juges eux-mêmes peuvent encore les apercevoir au moment où ils vont prononcer sur votre sort.

LX. Mais pendant sa préture de Rome, Verrès