Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la censure de T. Marcius et de M. Perperna n’est admis comme associé dans l’entreprise ; il est interdit de la lui céder en partie, ou, de la prendre pour son compte. Pourquoi cela ? dans la crainte que l’ouvrage ne fût mal fait ? mais vous aviez le droit de le visiter. De peur que le pupille ne fût pas assez riche ? Mais il avait donné au peuple romain, en biens meubles et immeubles, des cautions que vous étiez maître de faire augmenter. Et si la chose même, si l’atrocité de votre injustice ne vous touchait pas, si le malheur d’un orphelin, les larmes de sa famille, le danger que courait D. Brutus, dont les biens se trouvaient engagés, l’autorité de M. Marcellus un des tuteurs, ne pouvaient rien sur vous ; ne vous aperceviez-vous pas que vous faisiez une faute qu’il vous serait impossible de nier, car vous l’avez consignée sur vos registres, ni même avouer avec l’espoir de vous justifier ? L’entreprise est adjugée pour la somme de cinq cent soixante mille sesterces : tandis que les tuteurs étaient là qui s’écriaient que, pour quatre-vingt mille sesterces, ils l’exécuteraient au gré du plus injuste de tous les hommes. Car enfin quel était l’ouvrage ? vous le savez, toutes ces colonnes que vous voyez reblanchies, ont été, à l’aide d’une machine, démolies sans frais, et reconstruites avec les mêmes pierres ? Voilà les travaux que vous avez adjugés pour cinq cent soixante mille sesterces. Et encore, parmi ces colonnes, y en a-t-il auxquelles votre entrepreneur n’a pas touché, et d’autres dont il n’a fait qu’enlever l’ancien enduit pour en appliquer un nouveau. Que si j’avais pensé qu’il en coûtât si cher pour reblanchir des colonnes, certes, jamais je n’aurais demandé l’édilité.

LVI. Cependant, pour faire croire qu’il n’agissait que dans l’intérêt de l’entreprise et non pas pour dépouiller ce pupille, il ajoute : Si dans le travail vous causez, quelque dommage, vous le réparerez. Que pouvait-il endommager n’ayant qu’à remettre chaque pierre à sa place ? L’entrepreneur donnera caution du dommage à celui qui a remplacé l’ancien entrepreneur. N’est-ce pas une dérision, d’obliger Rabonius à se donner caution à lui-même ? La somme sera payée comptant. Sur les biens de qui ? de celui qui vous a crié qu’il se chargerait de faire pour quatre-vingt mille sesterces ce que vous avez adjugé pour cinq cent soixante mille. Sur les biens de qui ? du pupille dont l’âge et l’état d’abandon exigeaient la protection du préteur s’il n’avait pas eu de tuteurs. Et quand ses tuteurs le défendaient, vous vous êtes emparé non seulement de son patrimoine, mais de leurs biens à eux-mêmes. Qu’on ne se serve que de bons matériaux, chacun dans son genre. Il n’a fallu que retailler quelques pierres et les porter à leur place à l’aide de la machine nécessaire : car on n’eut besoin d’y voiturer ni pierre ni bois. Il n’y eut de dépense dans toute l’entreprise que pour le salaire de quelques journées d’ouvriers, et le service d’une machine. Lequel croyez-vous le moins coûteux, ou de construire une colonne entièrement neuve sans aucune pierre retaillée, ou d’en replacer quatre de celles-là ? Personne ne doute que la neuve ne coûte beaucoup plus. Je puis démontrer que, dans des maisons particulières, malgré les frais d’un transport long et difficile, des colonnes de façade, non moins hautes que celles-ci, ont été évaluées chacune à quarante mille sesterces. Mais il y a de la