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qu’un édit rendu par un préteur de Rome pour déclarer que tous ceux qui héritent doivent partager avec lui ! Aurons-nous des doutes maintenant sur le ton qu’il prenait avec des hommes d’une naissance, d’une considération, d’un ordre inférieurs ; sur la manière dont il parlait aux habitants des campagnes latines et celle dont il traitait les affranchis, qu’il n’a jamais regardés que comme des esclaves, lui qui, pour prononcer dans l’affaire de M. Octavius Ligur, personnage si distingué par le rang, l’ordre, la naissance, le mérite, le génie et la fortune, n’a pas hésité à lui demander de l’argent ?

XLIX. Quant à l’entretien des édifices publics, vous dirai-je quelle a été son administration ? plusieurs vous l’ont dit, qui peuvent vous en parler par expérience, et il en est d’autres qui vous le diront encore ; on a cité des faits notoires et manifestes, on en citera de nouveaux. C. Fannius, chevalier romain, frère de Q. Titinius, un de vos juges, Verrès, a déclaré vous avoir donné de l’argent. Qu’on lise la déposition de C. Fannius. N’allez pas croire, juges, ce que dit C. Fannius ; vous-même, Q. Titinius, gardez-vous de croire C. Fannius votre frère : en effet, ce qu’il dit est incroyable. Il accuse C. Verrès d’avarice et d’impudence : vices qui semblent convenir à tout autre plutôt qu’à lui. Q. Tadius, ami intime du père de Verrès, et presque parent de sa mère par le nom et par la naissance, a dit et a montré par ses registres qu’il avait aussi donné de l’argent. Qu’on lise les registres de Q. Tadius. Qu’on lise sa déposition. Ne croira-t-on ni les registres de Q. Tadius, ni son témoignage ? à quoi nous attacherons-nous donc dans les jugements ? N’est-ce pas assurer à tous l’impunité de leurs fautes et de leurs crimes que de ne pas croire les témoignages des hommes les plus honorables et les registres présentés par des citoyens d’une probité reconnue ? Que dirai-je aussi de ce vol effronté, ou plutôt de ce brigandage inouï et sans exemple, qui est encore un sujet de plaintes et d’entretiens pour le peuple romain ? Avoir osé, dans le temple de Castor, cet édifice sacré, si connu, si révéré des nations, que le peuple romain a sans cesse devant les yeux ; où le sénat est souvent convoqué, et où l’on se rend en foule chaque jour pour discuter sur les affaires les plus importantes, avoir osé, dis-je, laisser dans ce temple si respecté, dans ce sanctuaire de l’opinion publique un monument éternel de son audace !

L. L’entretien du temple de Castor était confié à P. Junius, sous le consulat de L. Sylla et de Q. Métellus. Junius mourut, et laissa un fils en bas âge. Les consuls L. Octavius et C. Aurélius, qui avaient affermé l’entretien des édifices sacrés, n’ayant pas eu le temps de s’assurer si tous les travaux avaient été exécutés comme ils devaient l’être, non plus que les préteurs C. Sacerdos et M. Césius qui en furent chargés depuis, on ordonna par un sénatus-consulte que ceux des édifices dont l’état n’avait pas été vérifié et constaté seraient soumis à la vérification et au jugement des préteurs C. Verrès et P. Célius. Investi de ce pouvoir, comme vous l’ont déclaré C. Fannius et P. Tadius, Verrès, dont les déprédations avaient été partout si publiques et si impudentes, voulut laisser une dernière preuve de son brigandage, la plus éclatante que nous pussions, non pas nous rappeler quelquefois, mais voir tous les jours de nos yeux. Il demanda quel était celui qui avait été chargé des travaux du temple de