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la règle de droit qui a toujours été observée par nos ancêtres et par nous-mêmes. Voyez comment cet homme l’a réformée. Il rédige son édit de telle manière que tout le monde comprend qu’il est fait en faveur de quelqu’un ; ce quelqu’un, il est vrai, n’est pas nommé, mais sa cause est exposée tout au long ; le droit, l’usage, l’équité, les édits antérieurs, il ne tient compte de rien. Extrait de l’édit donné à Rome : Si une succession est en litige, et qu’il y ait un possesseur, il ne donnera pas caution. Qu’importe au préteur lequel des deux est le possesseur actuel ? ce qu’il s’agit de savoir, c’est lequel des deux est le possesseur légitime. Ainsi, parce qu’il y a un possesseur, vous n’ôtez pas la possession ; s’il n’y avait pas de possesseur, vous ne la donneriez pas ; car vous ne l’écrivez nulle part, et vous ne comprenez dans votre édit que la cause pour laquelle vous aviez reçu de l’argent. Mais voici qui est risible : Si une succession est en litige, et que l’on me présente un testament scellé, au moins du nombre de sceaux exigé par la loi, j’enverrai en possession l’héritier testamentaire. C’est l’édit de tradition ; examinons la suite : Si l’on ne présente pas de testament… Eh bien ! que dit Verrès ? qu’il enverra en possession celui qui se prétendra héritier. Qu’importe alors que le testament soit produit ou non ? Si on le produit, et qu’il y manque un seul cachet, vous n’ordonnerez pas l’envoi en possession : et si on n’en produit pas du tout, vous l’ordonnerez. Que dirai-je maintenant ? que personne après lui n’a rendu d’ordonnance pareille ? C’est une chose bien surprenante que personne n’ait voulu être comparé à Verrès ! Il y a plus, Verrès lui-même ne conserve pas cette clause dans son édit de Sicile ; car, déjà il s’en était fait compter le prix. Il en fut de cet édit comme du précédent, et Verrès publia en Sicile sur l’envoi en possession des héritages un édit absolument semblable à ceux que tous les préteurs avaient publié à Rome, excepté lui. Extrait de l’édit de Sicile : Si une succession est en litige…

XLVI. Au nom des dieux, que peut-on dire d’une telle conduite ? Je vous demanderai sur les envois en possession ce que je vous ai demandé tout à l’heure sur l’hérédité des femmes, dans l’affaire d’Annius ; pourquoi n’avez-vous pas voulu transporter ces articles dans l’édit de Sicile ? Avez-vous trouvé les habitants de la province plus dignes que nous d’une législation équitable ? ou ce qui est équitable à Rome ne l’est-il pas en Sicile ? Car on ne peut dire ici qu’il y ait beaucoup de questions sur lesquelles on doive statuer différemment dans les provinces : on ne le peut dire, ni de la possession des héritages, ni de l’hérédité des femmes. Je vois, en effet, que, sur ces deux points, non seulement les autres préteurs, mais vous-même, vous vous êtes expliqué aussi longuement qu’on le fait dans les édits qu’on rend à Rome. J’en conclus qu’après avoir inséré dans l’édit rendu à Rome ces articles dont vous aviez reçu le prix, vous les avez supprimés dans l’édit de Sicile pour ne pas vous déshonorer gratuitement aux yeux d’une province. J’ajouterai même qu’une fois entré en charge, vous n’avez pas eu honte de rendre des décisions toutes contraires à cet édit composé dans les intérêts de ceux qui l’avaient payé lorsque vous n’étiez que préteur désigné. Aussi L. Pison a-t-il rempli vos registres des affaires dans lesquelles il est intervenu, parce que Verrès avait rendu des décisions contraires