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seraient jamais venus à ce point, que la haine pour le coupable leur fit oublier le respect dû au lieutenant du peuple romain. Au nom des dieux immortels, ne forcez pas les alliés et les nations étrangères à user de ce dernier moyen : car il faut qu’ils y recourent, si vous ne voulez pas leur faire justice. Rien n’aurait apaisé les habitants de Lampsaque, s’ils n’eussent été sûrs que Verrès recevrait à Rome son châtiment. Quoiqu’il n’y ait pas de loi au monde qui puisse venger une pareille injure, cependant ils ont mieux aimé se confier à nos lois et à nos tribunaux que d’écouter leur ressentiment. Répondez-moi, Verrès, quand vous avez forcé les habitants d’une ville si illustre à vous assiéger dans votre maison ; quand vous les avez réduits à recourir à la force et à prendre les armes, comme s’ils n’espéraient plus rien de nos lois et de nos tribunaux ; quand vous vous êtes montré dans les villes et les cités de nos amis, non comme un lieutenant du peuple romain, mais comme un tyran débauché et cruel ; quand vous avez avili chez les nations étrangères la gloire de l’empire et du nom romain, par votre conduite honteuse et déshonorante ; quand vous vous êtes soustrait au glaive de nos amis et aux flammes qu’ils avaient allumées : vous espérez trouver ici un asile. Vous vous trompez. C’est parce qu’ils étaient sûrs que vous devriez y trouver votre perte et non pas le repos, qu’ils vous ont laissé échapper de leurs mains.

XXXIII. Mais, dites-vous, il a été prouvé par un jugement que les habitants de Lampsaquem’ont injustement condamné, puisque Philodamus et son fils ont été condamnés ; et si je prouve, moi, si je démontre par le témoignage d’un homme méprisable sans doute, mais qui doit être écouté dans cette affaire, je veux dire par votre propre témoignage, que vous avez imputé à d’autres la cause de cet attroupement, que c’est sur d’autres que vous en avez rejeté la faute, que ce ne sont pas ceux-là qui ont été punis ; si je prouve cela, dis-je, à quoi vous sert le jugement de Néron ? Lisez la lettre qu’il a écrite à Néron : Lettre de C. Verrès à Néron. Thémistagoras et Thessalus… Vous lui dites que Thémistagoras et Thessalus ont excité le peuple. Quel peuple ? celui qui vous a tenu assiégé, celui qui a voulu vous brûler vif. Eh bien ! où poursuivez-vous les coupables ? où les accusez-vous ? où défendez-vous vos droits et votre titre de lieutenant ? Vous direz que cela a été traité dans le procès de Philodamus. Lisez le témoignage de Verrès lui-même ; voyons ce qu’il a déposé sous la foi du serment. Interrogé par l’accusateur, il a répondu qu’il ne voulait pas occuper ce tribunal de cette affaire, qu’il la poursuivrait dans un autre temps. Qu’y a-t-il donc de favorable pour vous dans le jugement de Néron, dans la condamnation de Philodamus ? Ainsi, vous, lieutenant, lorsque vous venez d’être assiégé, lorsqu’on a fait, comme vous l’écrivez vous-même à Néron, un outrage insigne au peuple romain et à tous les lieutenants, vous ne songez pas à poursuivre ; votre intention, dites-vous, est d’ajourner cette affaire à un autre temps. Et quel a