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de l’Italie sont encore aujourd’hui décorés des monuments qu’ils ont offerts en dons. Le mépris du luxe était si général alors, qu’il semblait être moins une vertu particulière à quelques-uns, qu’un mérite commun à tous les citoyens. Si ces exemples paraissent surannés, citons l’illustre P. Servilius, qui s’est signalé par les plus grands exploits, membre de ce tribunal, et lequel prononcera sur votre sort. C’est lui qui, par son habileté, sa prudence et sa valeur, a emporté de vive force Olympe, ville ancienne, remplie de richesses et de chefs-d’œuvre de tous genres. L’exemple que je cite de ce vaillant capitaine est tout récent ; car Servilius, général du peuple romain, n’a pris Olympe, ville ennemie, que depuis le temps où, lieutenant et naguère questeur dans les mêmes lieux, vous avez pillé et ravagé les villes paisibles de nos alliés et de nos amis. Tous ces objets que vous avez arrachés des temples les plus saints d’une manière si odieuse et si criminelle, nous ne pouvons les voir que chez vous et chez vos amis ; les statues et les ornements que P. Servilius a conquis dans une ville ennemie, par la force et par la valeur, qu’il en a enlevés en vertu du droit de la guerre, et comme général, ont été apportés à Rome par lui, amenés en triomphe et enregistrés avec soin au trésor publie. Apprenez par ces registres avec quelle exactitude cet illustre citoyen rendit les comptes. Lis : COMPTE RENDU DE P. SERVILIUS. Vous voyez comme on a consigné ici non seulement le nombre des statues, mais encore la grandeur, l’attitude, l’extérieur de chacune. Certes ! les jouissances de la vertu et de la victoire sont bien supérieures à cette volupté que produisent les passions et la cupidité satisfaites ! Je puis affirmer que Servilius conserve avec plus de soin l’état et la description de toutes ces dépouilles dont il a enrichi le peuple romain, que vous la liste de vos rapines.

XXII. Vous direz, peut-être, que vos statues et vos tableaux ont aussi orné la ville et le forum du peuple romain. Oui, je m’en souviens, j’ai vu, ainsi que tout le peuple, le forum et la place des comices décorés d’ornements magnifiques à la vue, mais d’un aspect affligeant et lugubre pour l’âme et la pensée. J’ai vu briller partout vos rapines, le butin fait sur nos provinces, les dépouilles de nos alliés et de nos amis. Et c’est alors, juges, que Verrès conçut l’espérance de faire oublier ses autres crimes. Il vit ces hommes qui voulaient être reconnus comme maîtres des tribunaux, obéir en esclaves aux mêmes passions que lui. Mais c’est alors que les alliés et les nations étrangères commencèrent à désespérer de leurs biens et de leurs fortunes : car le hasard avait alors réuni à Rome un grand nombre de députés de l’Asie et de la Grèce, qui, reconnaissant dans le forum les statues de leurs dieux enlevées des temples, leur rendaient hommage en versant des larmes, et en prononçant ces paroles que nous avons tous entendues : « Il n’y a plus à douter de la ruine des nations alliées et amies, puisque dans le forum du peuple romain, dans ce lieu, où autrefois ceux qui avaient fait quelque injustice à ces nations étaient accusés et condamnés, on étalait à tous les regards les trésors enlevés et arrachés par le crime aux alliés » .

XXIII. Verrès n’osera pas nier, je pense, qu’il