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SECONDE ACTION CONTRE VERRÈS.

DISCOURS SIXIÈME.


ARGUMENT.

Dans une première plaidoirie, Cicéron avait fait paraître tous les témoins, en obligeant Hortensius de les interroger. Celui-ci fut déconcerté par cette attaque à laquelle il ne s’attendait pas. Verrès lui-même, effrayé, prit la fuite, et se condamna volontairement à l’exil. Cicéron se proposait, dans une seconde plaidoirie, de faire connaître toutes les rapines et les crimes du préteur ; il voulut faire voir qu’il ne lui aurait jamais échappé quand même il n’eût pas prévenu, par l’exil, la sentence du tribunal.

Ce premier discours roule sur la questure de Verrès, sa lieutenance et sa préture de Rome. Après un long exorde, où il flétrit l’audace de Verrès, qui ose reparaître en Sicile, Cicéron divise son discours en quatre parties, la questure de Verrès, sa préture de Rome, sa préture de Sicile. Ce discours comprend les trois premières parties. La préture de Sicile est l’objet du discours suivant.

La questure est traitée assez brièvement. Verrès, nommé questeur du consul Carbon, part avec la caisse militaire pour aller rejoindre l’armée. Mais à la première occasion favorable, il abandonne son consul, et passe avec la caisse dans le parti de Sylla. L’orateur explique la cause de cette désertion. Il parle ensuite de la lieutenance, montre que Verrès a trahi Dolabella, comme il avait trahi Carbon ; Dolabella dont il était le lieutenant, et qui l’avait choisi pour son questeur après la mort de Malléolus.

Après avoir exposé tous les vols et les rapines de Verrès pendant sa lieutenance, Cicéron raconte comment il a dépouillé son pupille de l’héritage paternel, crime dont il a cherché ensuite à se disculper en accusant Dolabella.

La fin du discours est consacrée à la préture de Rome. Cette dernière partie est divisée en deux ; la manière de rendre la justice, et l’entretien des édifices publics. L’orateur rappelle tous les jugements odieux rendus par Verrés pendant sa magistrature, et termine en appelant sur l’accusé l’indignation des juges et du peuple romain.


LIVRE PREMIER.

SUR SA PRÉTURE DE ROME.

I. Personne de vous, juges, n’ignore sans doute le bruit répandu ces jours derniers, et la persuasion où était le peuple romain, que Verrès ne se présenterait pas une seconde fois pour me répondre. Ce bruit avait circulé non seulement parce que Verrès avait pris ce parti après de longues réflexions, mais aussi parce qu’on n’imaginait pas qu’un homme convaincu de tant de forfaits détestables, et par tant de témoins, eût assez d’audace, assez de démence et d’effronterie pour oser regarder les juges en face, et se montrer au peuple romain. Verrès est aujourd’hui ce qu’il a toujours été ; prêt à tout oser et à tout entendre : le voici ; il répond, on le défend. Pris sur le fait dans les actions les plus honteuses, s’il gardait au moins le silence et ne reparaissait plus, on pourrait croire qu’il cherche à effacer l’infamie de sa vie. Eh bien ! j’y consens, juges ; et je vois sans peine que nous recueillerons le fruit, moi de mes fatigues, vous de votre équité. Car si cet homme eût suivi sa première résolution de ne point comparaître, on ne pourrait pas apprécier, comme je le désire, tout ce qu’il m’a fallu de travail et de persévérance pour préparer et établir cette accusation ; et vous, juges, votre gloire serait bien faible et bien obscure. D’ailleurs ce n’est pas là ce qu’attend de vous