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mon plaidoyer, on me réponde alors que ce long délai aura fait oublier mon accusation ; je ne m’exposerai pas à ce que le jugement soit prononcé après le départ de cette foule innombrable venue de toute l’Italie pour les comices, pour les jeux et pour le cens. Vous avez à choisir dans cette affaire entre le tribut de l’admiration et le péril de la réprobation publique ; moi, je n’en aurai que les fatigues et la sollicitude ; mais la connaissance de ce qui se fera, le souvenir de ce qui sera dit par chacun de nous, doivent, je pense, être laissés à tous. Je ferai en ceci une chose qui n’est pas nouvelle, et dont l’exemple m’a déjà été donné par ceux qui sont aujourd’hui à la tête de la république ; je produirai d’abord les témoins : ce que vous verrez de nouveau de ma part, juges, c’est l’ordre dans lequel ils seront entendus, et qui développera toute l’accusation. Dès que je l’aurai fortifiée par mes questions, par mes preuves et mes réflexions, j’appuierai chaque fait de témoignages, de telle sorte que l’accusation ordinaire ne différera en rien de cette accusation nouvelle, si ce n’est que dans celle-là, on produit les témoins après avoir tout dit, et que dans celle-ci, on les produira à la suite de chaque fait, en laissant aux adversaires la faculté de les interroger, d’argumenter et de plaider. S’il se trouve quelqu’un qui regrette que l’accusation ne soit pas renfermée dans un seul plaidoyer, qu’il attende la reprise de la cause, et qu’il sache que cette mesure prudente, dont le but est de prévenir les manœuvres de nos adversaires, a du moins pour excuse la nécessité. Voici donc notre accusation dans cette action première. Nous disons que C. Verrès, outre les actes de débauche dont il s’est rendu coupable, outre ses cruautés contre les citoyens et contre les alliés, outre ses attentats contre les dieux et les hommes, a enlevé de Sicile, au mépris des lois, quarante millions de sesterces. Ce crime, nous le prouverons par des témoins, par des registres particuliers, par des actes publics ; et nos preuves seront assez claires pour vous convaincre que, si nous avions eu plus de temps et de liberté, nous n’aurions pas eu besoin de longs discours.