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encore, où mon dévouement à la république pourrait éclater dans tout son jour aux yeux du peuple romain. Car, il me paraissait indigne de mes soins et de mes efforts, de citer devant un tribunal cet homme déjà condamné au tribunal de l’opinion, si ce despotisme intolérable, cette partialité intéressée, que vous avez montrée depuis quelques années dans certains jugements, ne se manifestaient encore dans la cause désespérée de ce misérable. Eh bien ! puisque vous êtes si jaloux de dominer, de régner sur nos tribunaux ; puisqu’il y a des hommes qui ne rougissent ni ne se lassent de leur passion et de leur infamie, et qui semblent, comme à plaisir, se précipiter au-devant de la haine et de l’indignation du peuple romain ; voici la tâche que je déclare avoir entreprise, tâche bien lourde et bien périlleuse pour moi, peut-être, mais qui mérite que je rassemble, pour l’accomplir, toutes les forces de mon âge et de mon intelligence. Puisqu’un ordre entier de l’État est opprimé par la perversité et l’audace d’une poignée d’hommes, et avili par le scandale de ses jugements ; je me déclare l’ennemi, l’accusateur acharné, ardent, implacable, de tous ces pervers. Voilà le devoir que je m’impose, que je réclame ; devoir, que je remplirai comme magistrat, que je remplirai du haut de cette tribune où le peuple romain a voulu, qu’à partir des calendes de janvier, je lui rendisse compte des intérêts de la république et de la conduite des mauvais citoyens. C’est là le plus grand, le plus magnifique spectacle que promet au peuple romain mon édilité. Dès ce moment, je proclame, j’annonce, je signifie à tous ceux qui se mêlent de déposer, de garantir, de recevoir, de promettre, de répandre en qualité de séquestres ou d’agents, la corruption dans les tribunaux, à ceux qui tirent vanité de leur puissance et de leur impudence en ce genre, qu’ils aient à s’abstenir, dans cette cause, et à conserver pures de ce crime abominable, leurs mains et leurs pensées.

XIII. Alors Hortensius sera consul ; il sera revêtu du commandement et du pouvoir suprême ; moi, je serai édile, c’est-à-dire, un peu plus que simple citoyen : cependant la question que je promets de traiter est de telle nature, elle intéresse tellement le peuple romain, que le consul lui-même paraîtra, s’il se peut, moins qu’un simple citoyen auprès de moi. On ne se contentera pas de rappeler, mais on discutera, d’après l’exposé de certains faits, tout ce qu’il s’est commis d’horreurs et d’infamies dans l’administration de la justice, pendant ces dix années que les tribunaux ont été confiés au sénat. Le peuple romain apprendra de moi pourquoi, pendant un espace de près de cinquante années que l’ordre des chevaliers fut chargé de rendre la justice, il ne s’éleva pas le moindre soupçon d’argent reçu par un chevalier romain pour obtenir un jugement ; pourquoi, depuis que les tribunaux ont passé à l’ordre des sénateurs, et que le peuple romain a perdu le pouvoir qu’il exerçait sur chacun de nous, Q. Calidius a dit, après sa condamnation, qu’on ne pouvait honnêtement condamner un ancien préteur pour moins de trois millions de sesterces ; pourquoi, lors de la condamnation du sénateur P. Septimius pour crime de péculat devant le préteur Q. Hortensius, on fixa l’amende qu’il devait payer d’après les sommes qu’il avait reçues