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avoir pris en main la réparation des injures des Espagnols, chez lesquels il avait été consul. On sait encore que dernièrement Cn. Domitius assigna D. Silanus, pour des injustices particulières commises envers Égritomare, l’ami et l’hôte de son père.

XXI. Rien au monde n’est plus fait pour intimider les coupables que cet usage de nos ancêtres, rétabli et renouvelé parmi nous après un si long intervalle ; que ces plaintes des alliés confiées à un homme qui ne les trahira pas, que cet appui donné à leur cause par un citoyen que chacun regarde comme assez loyal, assez vigilant pour la défendre. Voilà ce qu’ils craignent ; voilà ce qui les tourmente. Ils tremblent de voir s’introduire de pareilles coutumes ; et de les voir se renouveler. Ils sentent bien que, si cet usage prend jamais de la force et de l’autorité, c’est aux mains des hommes honorables, des citoyens courageux, et non plus d’inhabiles jeunes gens ou de délateurs mercenaires que seront remis les lois et les jugements. Cette coutume, cette institution, ne paraissait pas méprisable à nos pères, à nos aïeux, lorsque P. Lentulus, depuis prince du sénat, accusait M. Aquillius, et avait pour assesseur C. Rutilius Rufus, ou lorsque P. Scipion l’Africain, que son courage, son bonheur, sa gloire, ses exploits ont élevé si haut, après avoir été deux fois consul et censeur, appelait L. Cotta devant les tribunaux. Alors florissait justement le nom du peuple romain ; alors on révérait justement l’autorité de cet empire, et la majesté de Rome. On ne trouvait point étonnant dans le vainqueur de l’Afrique ce qu’aujourd’hui l’on feint de trouver extraordinaire dans un homme sans éclat et sans pouvoir, quoiqu’on en soit bien plus fâché que surpris. Que veut-il ? Se faire regarder comme un accusateur lui qui fut jusqu’ici le défenseur des accusés : aujourd’hui surtout, à l’âge où il est déjà et quand il demande l’édilité ? Mais moi, je crois qu’il convient à mon âge, a un âge même plus avancé, aux dignités les plus éminentes, d’accuser les méchants et de défendre les malheureux. Et certes, ou le remède capable de raviver une république malade et presque désespérée, des tribunaux corrompus et souillés par la perversité, par l’opprobre de quelques membres, est que les hommes les plus honnêtes, les plus intègres, les plus vigilants veillent à la défense des lois, à l’autorité des jugements ; ou si cette ressource est impuissante, jamais on ne trouvera de remède à tant de malheurs. Non, la république n’est jamais plus en sûreté, que lorsque les accusateurs ne sont pas moins inquiets de leur gloire, de leur honneur, de leur réputation, que les accusés ne le sont eux-mêmes de leur vie et de leur fortune. Aussi ont-ils apporté tout le zèle et tous les soins possibles dans une accusation, ceux qui ont senti qu’il y allait pour eux de l’estime publique.

XXII. Vous devez donc être persuadés, juges, qu’un homme tel que Cécilius, sans aucune réputation, dont on n’attend rien dans cette affaire ; qui n’a besoin, ni de conserver une renommée acquise, ni de se ménager une espérance dans l’avenir, n’apportera dans cette cause ni trop de sévérité, ni trop de soin et de scrupules. Il n’a rien à perdre, s’il mécontente le public ; et de quelque ignominie qu’il se couvre au sortir de