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temps-là comme de modèles de justice, d’impartialité et d’urbanité. Vous voudrez vous rétracter ; vous aurez, à n’en pas douter, la hardiesse de dire aux moujiks parvenus les bonnes vérités que vous dites si bien à leurs prédécesseurs ; mais qui sait ? Peut-être les moujiks vous enverront-ils alors en Sibérie. »

J’ai renoncé à cette plaisanterie, parce qu’un Russe à qui je l’ai soumise m’a fait observer qu’au point de vue moscovite elle n’avait pas le sens commun.

« Il passera bien de l’eau sous les ponts, m’a-t-il dit, avant que le moujik ne se trouve mêlé à la politique. Un moujik ministre est une expression inintelligible en Russie. Le moujik est loin, bien loin des sphères où l’on pourrait se disputer le pouvoir. Il supporte, à dire vrai, une vie pleine de privations ; mais il ne se plaint pas. »