Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/95

Cette page n’a pas encore été corrigée

Si l’or était une bonne chose, Jésus-Christ en aurait fait avoir à ses disciples qu’il a voulu enrichir du plus excellent de tous les dons. Mais nous voyons au contraire que, bien loin de leur en donner, il leur a défendu d’en avoir. C’est pourquoi nous voyons que saint Pierre, non seulement ne rougit pas de sa pauvreté, mais qu’il en fait toute sa gloire, lorsqu’il dit hardiment : « Je n’ai ni or ni argent ; mais je vous donne ce que j’ai ». (Act. 3,4) Qui de vous, mes frères, ne souhaiterait de pouvoir dire une semblable parole ? Je crois qu’il n’y en a pas un qui ne le désirât avec ardeur. Jetez donc cet or, renoncez à ces richesses.
Mais quand j’aurai fait cela, me direz-vous, aurai-je la même puissance que saint Pierre ? Je vous prie de me dire ce qui a rendu saint Pierre heureux : Est-ce parce qu’il a fait marcher droit un boiteux ? Nullement, mais c’est parce qu’en foulant aux pieds tout le monde, il s’est acquis la gloire que Dieu nous promet.
Ne savons-nous pas que plusieurs ont fait aussi bien que lui des miracles, et qu’ils sont néanmoins tombés dans l’enfer ; mais que ceux qui ont été comme lui pauvres sur la terre, sont devenus comme lui des rois dans le ciel ? C’est ce que nous apprenons des paroles mêmes de saint Pierre que nous venons de rapporter. Car il dit deux choses : « Je n’ai ni or ni argent ; et, au nom de Jésus-Christ, levez-vous et marchez ». Laquelle de ces deux choses a rendu cet apôtre si heureux ? Est-ce de faire marcher droit un boiteux, ou d’avoir renoncé à tout ? Consultons Jésus-Christ, et qu’il soit lui-même notre juge. Il ne commanda point à celui qui lui demandait le moyen d’acquérir la vie éternelle, de faire marcher droit les boiteux, mais il lui dit : « Vendez ce que vous avez, donnez-le aux pauvres, et venez me suivre ; et vous aurez un trésor dans les cieux ». Et saint Pierre ne dit pas non plus à Jésus-Christ, quoiqu’il le pût : Nous avons chassé les démons en votre nom, mais : « Nous avons tout quitté, et nous vous avons suivi, quelle récompense donc en aurons-nous » ? Et Jésus-Christ ne lui répond pas : Celui qui fera marcher droit les boiteux, mais : « Celui qui à cause de moi et de l’Évangile quittera ses maisons et ses terres, recevra le centuple dans ce monde, et la vie éternelle dans l’autre ».
Imitons donc ce saint apôtre, mes frères, afin que nous ne soyons point confondus au dernier jour, que nous puissions nous tenir avec confiance devant le tribunal du souverain Juge : et que Jésus-Christ « demeure toujours avec nous », comme il est toujours demeuré avec les apôtres, selon la promesse qu’il leur en a fait dans l’Évangile. Il sera assurément avec nous si nous voulons imiter ces saints qui l’ont imité, et prendre leur vie pour le modèle de la nôtre. C’est pour cela que le Sauveur vous donnera des louanges ; c’est pour cela qu’il vous récompensera : et il ne vous demandera point compte de ce que vous n’aurez ni redressé les boiteux, ni ressuscité les morts. Ce ne seront point ces miracles, mais ce sera le renoncement à tous les biens de ce monde, qui vous rendra semblable à saint Pierre.
Mais vous me direz que vous ne pouvez pas quitter votre bien. Je n’exige point cela de vous : Je ne vous fais point de violence sur ce point. Tout ce que je vous demande, c’est que vous en fassiez part aux pauvres, que vous le leur donniez peu à peu, et que vous n’en reteniez pour vous que ce qui vous est absolu-ment nécessaire. C’est ainsi que vous jouirez d’une grande paix dans cette vie, et de la gloire dans l’autre, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, avec le Père et le Saint-Esprit, appartient la gloire et l’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

FIN DU COMMENTAIRE SUR L’ÉVANGILE DE SAINT MATTHIEU.