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combien plus le peut-on faire après un si grand secours ?
3. Et enfin, qu’est-ce que Dieu nous commande de si pénible ? Nous ordonne-t-il de couper les montagnes, de voler dans l’air, et de traverser les mers’? Il nous ordonne au contraire des choses si faciles, que nous n’aurons point besoin pour les exécuter d’aucune chose qui soit hors de nous ; mais seulement d’une volonté pleine et d’une affection sincère. Qu’avaient les apôtres de tous les biens extérieurs, lorsqu’ils faisaient de si grandes choses ? Avaient-ils plus d’un habit ? N’avaient-ils pas les pieds nus, lorsqu’ils parcouraient toute la terre, et n’étaient-ils pas en cet état plus forts que tous les hommes et tous les démons ?
Qu’y a-t-il de si difficile dans ces préceptes de Jésus-Christ ? N’ayez point d’ennemis, ne haïssez personne, ne parlez point mal de votre frère, puisqu’au contraire ce sont les choses opposées à ces préceptes qui sont pénibles et laborieuses. Mais il a commandé aussi, dites-vous, de renoncer à nos biens. Trouvez-vous donc cela fort pénible ? Je vous réponds même qu’il ne l’a pas commandé absolument : il ne l’a que conseillé. Mais quand il en aurait fait une loi expresse, est-ce une chose fort difficile de ne se point charger d’un fardeau, de ne le point porter partout avec soi, et de se débarrasser de tous les soins et de toutes les inquiétudes qui l’accompagnent ?
Mais, ô détestable enchantement de l’avarice ! l’argent aujourd’hui tient lieu de tout. De là vient cette corruption et cette confusion générale qui est dans le monde. Sion dit qu’un homme est heureux, on parle aussitôt de son bien. Si on en pleure un autre comme malheureux, on le plaint tout d’abord de ce qu’il est pauvre. Toutes nos conversations se passent à dire de quelle manière un tel s’est enrichi, et qu’un autre s’est appauvri. Si un homme pense à prendre l’épée ou à se marier, ou à s’engager dans un emploi, il considère d’abord s’il y trouvera son intérêt et s’il pourra s’y enrichir. Puis donc, mes frères, que nous nous trouvons ici assemblés dans le temple de Dieu, tâchons de trouver quelques remèdes pour guérir une maladie si dangereuse.
Ne rougissons-nous point, lorsque nous pensons à la vertu de nos pères, de ces premiers chrétiens, dont il est parlé dans les Actes ? Lorsque trois mille eurent été convertis en une seule prédication, et cinq mille en une autre, ils vivaient ensemble, et ils possédaient tout en commun. Quel avantage pouvons-nous véritablement tirer de cette vie passagère, si nous ne nous en servons pour acquérir celle qui ne finira jamais ? Jusqu’à quand serez-vous misérables, et n’étoufferez-vous point enfin ce monstre de l’avarice qui vous a dominés jusqu’à cette heure ? Jusqu’à quand ne soupirerez-vous point après votre liberté, et ne ferez-vous point cesser tous ces commerces honteux ? Si vous étiez devenus les esclaves d’un homme, il n’y aurait rien que vous ne fissiez s’il vous promettait la liberté ; et lorsque vous êtes les esclaves de l’avarice, vous ne pensez pas même à vous en délivrer. Et cependant, si l’on pèse ces deux sortes de servitude, la première n’est rien en comparaison de la seconde.
Considérez à quel prix Jésus-Christ vous a rachetés il a répandu tout son sang, il a donné sa propre vie : et après cela vous rampez à terre, vous ne respirez que la terre, vous êtes esclaves, et ce qui est encore plus insupportable, vous faites vanité de votre servitude ; vous révérez vos chaînes, et vous faites les délices de votre cœur de ce qui devrait être l’objet de votre aversion et de votre haine. Mais puisqu’il ne suffit pas de condamner un vice, si on n’en propose aussi le remède, considérons, je vous prie, d’où vient que vous avez tant d’ardeur pour acquérir de l’argent. N’est-ce pas parce que le bien procure l’honneur et la sécurité ? Mais quelle est cette sécurité ? Est-ce parce que nous serons assurés de n’avoir jamais faim ni froid, et de ne tomber point dans le mépris ? Si donc je vous promets tout cela sans être riche, cesserez-vous d’aimer les richesses ? Car si vous trouviez sans avoir de bien tout ce que vous pourriez espérer en en possédant, quel sujet, vous resterait-il d’en rechercher ?
Vous me demanderez peut-être comment il pourra se faire que vous ayez ce que vous désirez, sans néanmoins être riche. Et moi je vous demande, au contraire, comment un riche peut avoir cette paix et cette sécurité que vous cherchez. Car il faut nécessairement qu’il flatte les grands et les petits, qu’il dépende d’une infinité de personnes, qu’il s’assujettisse honteusement à ceux dont il a affaire, qu’il soit agité de soins, d’inquiétudes et de soupçons, et qu’il appréhende sans cesse l’œil des envieux, la langue des médisants et les entreprises des