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celui de tous qui a la plus grande voix, dira de vous dès que vous entrerez ici : « Voici ce que dit le Seigneur aux princesses, filles de Sion : Parce qu’elles ont marché avec pompe, la tête levée, les yeux volages et égarés, qu’elles ont traîné après elles ces longues queues de leurs robes, le Seigneur les dépouillera avec honte de tous ces vains ornements, et la boue succédera aux parfums, et les liens de cordes aux ceintures de perles et de diamants ». (Is. 3,16)
C’est là, mes très-chères sœurs, la récompense que vous devez attendre de vos vanités. Mais ce n’est point seulement contre les filles de Sion que le Prophète parle. Ces menaces sont contre toutes celles qui les imitent. Saint Paul parle de même qu’Isaïe, lorsqu’il commande à Timothée « d’avertir les femmes de ne se parer ni avec des cheveux frisés, ni avec des ornements d’or ou de perles, ni des habits somptueux ». (1Tim. 2,9) C’est donc toujours un mal de se parer avec l’or ; mais c’est un mal encore bien plus grand, lorsqu’on vient ainsi parée à l’église, et qu’on passe en cet état parmi tant de pauvres. Si vous aviez dessein de soulever tout le monde contre vous, vous n’en pourriez pas trouver un meilleur moyen, que de sacrifier ainsi les biens que vous avez reçus de Dieu à la cruelle satisfaction de votre luxe. Considérez cette troupe de pauvres, parmi lesquels vous passez. Votre magnificence les irrite au milieu de la faim qui les presse et qui les dévore, et leur nudité crie vengeance contre ces vêtements superbes et cet appareil diabolique. Ne vaudrait-il pas mieux donner du pain à ceux qui n’en ont point, que de se percer l’oreille pour y suspendre la nourriture des pauvres et la vie d’une infinité de misérables ?
4. Mettez-vous donc votre gloire à être riches, ou à vous parer avec l’or et les diamants ? Quand votre bien serait acquis le plus justement qu’il pourrait être, vous seriez néanmoins très-coupables de le prodiguer en ces folies. Mais comme il est souvent le fruit des rapines et de l’injustice, que sera-ce que d’user si mal d’un bien mal acquis ? Si vous aimez l’honneur solide, quittez tout ce faste, et le monde vous admirera, votre modestie fera votre gloire et vous comblera de joie. Mais maintenant votre vanité est votre honte, et elle est encore votre supplice. Car outre la perte que cause tout ce luxe, quel désordre est-ce dans une maison, lorsqu’une perle ou une pierre précieuse vient à s’égarer ? On maltraite les femmes de service ; on tourmente les hommes. On chasse les uns et on emprisonne les autres. On soupçonne, on accuse, on plaide ; le mari querelle la femme et la femme le mari, ils se brouillent même avec leurs amis ; ils font de la peine à tout le monde, et encore plus à eux-mêmes.
Mais supposons que vous ne perdiez rien, ce qui néanmoins est très-difficile : N’est-ce pas toujours une peine bien grande, que de garder avec tant de soin des meubles si inutiles que ces objets de toilette ? Car ils ne servent ni à votre maison ni à votre personne. Ils incommodent l’une et la tiennent dans l’inquiétude, et ils déshonorent l’autre.
Comment pourriez-vous, étant ainsi parée, embrasser et baiser les pieds de Jésus-Christ, comme ces saintes femmes de notre Évangile, puisqu’il a ce faste en horreur ? C’est pour cette raison qu’il a voulu naître dans la maison d’un charpentier, et non pas même dans sa maison, mais dans une étable. Comment oseriez-vous donc vous présenter à lui, n’ayant aucun des ornements qui lui sont chers et précieux, mais en ayant d’autres qui lui sont insupportables ? Celui qui veut s’approcher de lui, doit se parer non d’or et de perles, mais de vertus.
Car enfin qu’est-ce que cet or que vous aimez tant, sinon un peu de terre qui, mêlée avec de l’eau, serait de la boue ? C’est donc cette terre qui est votre idole ; c’est de cette boue que vous vous faites un Dieu que vous portez partout, comme s’il était votre félicité et votre gloire. Vous n’épargnez pas même le temple de Dieu, dont la sainteté ne devrait pas être violée par votre luxe. Car l’Église n’a pas été bâtie afin que vous y veniez étaler vos vanités. On y doit paraître riche, mais en grâce et en vertu, et non en or et en diamants. Cependant vous vous parez pour y venir, comme si vous alliez au bal, ou comme les comédiennes qui vont paraître sur le théâtre, tant vous avez soin que tout conspire à vous faire regarder, c’est-à-dire, à vous faire moquer de ceux qui vous voient. C’est pourquoi j’ose vous dire que vous êtes ici comme une peste publique, qui tue non les corps mais les âmes. Quand cette sainte assemblée est finie, et que chacun retourne chez soi, on ne s’entretient que de vos vanités et de vos folies. On oublie les instructions