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mauvaise volonté qu’ils se conduisaient, de cette manière. Que leur répond donc Pilate ? « Vous avez des gardes, allez, faites-le garder comme vous l’entendrez (65). Ils s’en allèrent donc ; et pour s’assurer du sépulcre, ils en scellèrent la pierre et y mirent des gardes (66) ». Il ne veut pas que ce soit ses soldats qui gardent le sépulcre. Comme il était parfaitement informé de toute cette affaire, il ne s’en veut plus mêler ; mais pour se défaire d’eux, il leur dit d’aller garder eux-mêmes le tombeau comme ils l’entendraient, afin qu’ensuite ils ne rejetassent point leurs accusations sur personne. Si les soldats de Pilate eussent gardé ce sépulcre, les Juifs eussent pu dire qu’ils se seraient accordés avec les disciples du Sauveur, et qu’ils leur auraient donné son corps. La fausseté et l’invraisemblance de cette supposition n’eût pas empêché ces imposteurs hardis et sans honte de l’avancer, et ils eussent aisément fait croire que cet accommodement des disciples avec les soldats aurait donné lieu à ce bruit de la résurrection. Mais Pilate les ayant chargés eux-mêmes de ce soin, ils ne pouvaient plus raisonnablement faire retomber cette accusation sur les autres.
Ainsi on ne peut assez admirer comment malgré eux ils travaillent à établir la vérité, puisqu’ils vont eux-mêmes trouver Pilate qu’ils lui demandent eux-mêmes le corps, qu’ils scellent eux-mêmes le sépulcre, y posent eux-mêmes des gardes, et se réduisent eux-mêmes par tant de précautions dans l’impuissance de donner quelque couleur à l’imposture qu’ils ont depuis publiée. Car enfin quand les disciples du Fils de Dieu auraient-ils dérobé son corps ? Serait-ce le jour du Sabbat ? Mais comment l’auraient-ils pu, puisqu’il n’était pas permis en ce jour d’aller même au sépulcre ? Mais quand ils auraient pu transgresser la loi qui leur défendait cela, comment étant aussi intimidés qu’ils l’étaient alors, auraient-ils osé approcher seulement de ce tombeau pour dérober le corps de leur maître ? Comment auraient-ils pu faire croire ensuite à tout un peuple qu’il serait véritablement ressuscité ! Qu’auraient-ils dit ? qu’auraient-ils fait ? quel courage auraient-ils eu en défendant le parti d’un homme qu’ils eussent su être véritablement mort ? Quelle récompense en auraient-ils pu attendre ? Lorsqu’il était encore vivant entre les mains des Juifs qui l’avaient pris, ils s’enfuyaient tous et ils l’abandonnaient ; comment donc auraient-ils pu après sa mort parler si courageusement pour lui, s’ils n’eussent su d’une manière certaine qu’il était ressuscité ?
Mais pour montrer qu’ils n’eussent jamais ni pu ni voulu feindre cette résurrection si elle n’eût été véritable, il ne faut que considérer que Jésus-Christ leur avait souvent parlé de sa résurrection ; qu’il les en avait souvent assurés ; jusque-là même que les Juifs témoignent ici qu’il leur avait dit : « Je ressusciterai dans trois jours ». Si donc il ne fût pas ressuscité véritablement, n’est-il pas clair que ses disciples se voyant trompés par lui, en butte aux attaques de toute une nation, sans refuge, sans patrie à cause de lui, l’auraient nécessairement renoncé, et qu’ils n’auraient jamais voulu travailler à établir dans le monde la gloire d’un homme qui les aurait indignement trompés encore une fois et exposés aux plus affreux dangers ?
Il est inutile de s’arrêter davantage à prouver que si la résurrection de Jésus-Christ eût été fausse, il eût été impossible aux apôtres de la feindre. Car sur quoi auraient-ils pu s’appuyer pour établir un mensonge si visible ? Auraient-ils tâché de le confirmer par la foi-ce de leurs paroles ? Ils étaient tous ignorants ; se seraient-ils appuyés sur leurs richesses ? ils n’avaient rien ; sur leur naissance ? ils étaient les derniers du peuple ; sur la grandeur de leur ville ? ils étaient d’un lieu peu connu ; sur leur grand nombre ? ils n’étaient que onze, et la peur les avait même dispersés en divers lieux.
Pouvaient-ils se fonder sur les promesses de leur maître ? Quelle impression eussent-elles pu faire sur leurs esprits, s’il ne fût pas ressuscité lui-même comme il l’avait si souvent promis ? Mais comment au raient-ils pu soutenir la fureur de tout un peuple ? Car si leur chef même n’avait pu résister à la voix d’une servante, si tous les autres voyant Jésus-Christ pris et lié se dispersèrent aussitôt, comment auraient-ils pu se persuader qu’ils eussent pu parcourir toute la terre et établir partout la croyance de cette fausse résurrection ? Si saint Pierre trembla devant une portière, si tous les autres craignirent si fort le peuple, comment auraient-ils pu témoigner de la fermeté devant les rois, devant les princes, devant les peuples, lorsqu’ils avaient à craindre les tourments, le