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Agissez donc ainsi, mes frères, à l’égard de vos maladies spirituelles.
Si de même vous aviez une main sèche et sans mouvement, et qu’après quelques remèdes je cessasse cette cure en vous laissant dans le même état, ne vous plaindriez-vous pas de moi ? C’est là véritablement le mal dont je tâche depuis si longtemps de vous guérir. Vous avez la main sèche et resserrée. Je fais tout ce que je puis pour lui donner le mouvement afin qu’elle s’ouvre sans peine, et je ne cesserai point jusqu’à ce que je voie que vous l’étendez autant que je le désire. Plût à Dieu que vous voulussiez m’imiter, et qu’à mon exemple vous ne parlassiez d’autre chose que de l’aumône ; que chez vous, dans vos mai-sons, dans les assemblées publiques et à vos tables, vous n’eussiez que l’aumône dans la bouche : que vous vous y occupassiez durant tout le jour, et qu’elle ne sortît point de votre pensée durant la nuit ; puisque si nous y pensions comme il faut durant le jour, elle occuperait aussi notre esprit durant la nuit.
4. Après cela, ne vous plaignez plus de ce que je vous parle si souvent de l’aumône. Je souhaiterais de tout mon cœur que vous n’eussiez plus besoin de mes conseils et de mes exhortations touchant ce point, et que je n’eusse qu’à vous instruire et à vous fortifier contre les erreurs des Juifs, des païens et des hérétiques. Mais qui peut armer ceux qui ne sont pas encore guéris, et doit-on mener au combat des hommes qui sont retenus au lit par leurs maladies et par leurs blessures ? Si je vous voyais en pleine santé, je vous animerais à cette guerre, et j’espère que, par la grâce de Dieu, vous y verriez nos ennemis confondus. Nous avons été contraints de les combattre par nos livres ; mais la joie que nous avons de cette victoire est étouffée par votre négligence ; et votre vie relâchée empêche même que nous ne les surmontions tout à fait. Lorsque nous les réduisons au silence par la force de nos paroles et par la solidité de nos raisons, ils nous objectent votre conduite déréglée, et les excès de ceux qui vivent dans le sein de l’Église.
Que pourrions-nous nous promettre de vous avec cette faiblesse, si nous vous exposions au combat, puisque vous ne pourriez que nous être incommodes en vous laissant abattre aux premiers coups de nos ennemis ? La plupart d’entre vous ont, comme j’ai dit, la main desséchée, et ne peuvent l’ouvrir pour faire l’aumône. Comment pourraient-ils donc l’étendre pour prendre les armes et pour porter le bouclier, afin de se défendre contre la dureté et l’insensibilité du cœur ? Quelques autres d’entre vous sont boiteux, et vont sans cesse au théâtre ou à d’autres lieux de débauche. Comment pourraient-ils donc demeurer fermes dans le combat, et n’être point blessés par l’intempérance ? Les autres ont les yeux malsains, et la vue mauvaise. Ils ne voient rien d’un œil pur, ils considèrent curieusement tous les visages avec de mauvais desseins ; comment ces malades pourraient-ils regarder les ennemis, et les percer de leurs dards, puisqu’ils ne peuvent éviter eux-mêmes les flèches qui les percent de tous côtés ?
Il y en a d’autres encore qui ont de grands maux dans les entrailles, et qui les ont aussi étendues et aussi enflées que les hydropiques par l’excès des viandes dont ils se remplissent. Comment pourrais-je mener à la guerre des gens qui sont toujours dans le luxe des festins et dans les excès du vin ? Les autres ont la bouche gâtée et l’haleine insupportable, comme les colères, les blasphémateurs et les médisants : comment ceux-là pourraient-ils chanter après la victoire, comment pourraient-ils être courageux dans la guerre, puisqu’ils ne peuvent être qu’un sujet de raillerie à nos ennemis ?
C’est ce qui m’oblige avec douleur de faire tous les jours comme la ronde autour de cette armée, afin de refermer les plaies de ceux qui sont blessés, ou de guérir les ulcères de ceux qui sont malades. Si je vois qu’enfin mes travaux réussissent, et que vous deveniez capables de combattre les ennemis, je vous dresserai à cette guerre, et je vous formerai à ces exercices militaires. Je vous apprendrai à manier les armes. Vos armes seront vos propres œuvres, et vous surmonterez tous vos ennemis par votre charité, par votre douceur, par votre modestie, par votre patience, et par vos autres vertus. Si quelqu’un alors ose nous résister, nous irons le combattre ensemble, et nous vous mènerons avec nous dans cette guerre ; mais jusqu’ici vous n’auriez pu que nous être un empêchement.
Car jugez, je vous prie, quel est notre état. Nous disons tous les jours que Jésus-Christ nous a fait des grâces sans nombre en rendant les hommes comme des anges ; et lorsque