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hommes. Ce qui nous doit faire admirer encore davantage la force de ces femmes, c’est que les disciples mêmes avaient quitté Jésus et s’étaient enfuis.
Mais quelles étaient ces femmes, sinon sa mère que l’Évangile appelle « la mère de Jacques » et quelques autres qui l’avaient suivie durant sa vie ? Saint Luc dit que « plusieurs d’entre le peuple se frappaient la poitrine en voyant toutes ces choses » ; ce qui montre jusqu’où allait la cruauté des Juifs, puisqu’ils se glorifiaient et qu’ils se réjouissaient de ce qui causait une douleur si générale. Quoique tous les signes qui accompagnèrent cette mort fussent autant de marques de la colère, ou plutôt de la fureur de Dieu, ils n’en furent point touchés. Ces ténèbres si terribles, ces pierres qui se fendent, ce voile qui se rompt, et tous ces tremblements de terre ne font aucune impression sur eux.
« Sur le soir, un homme riche d’Arimathie, nommé Joseph, qui était aussi disciple de Jésus (57), vint trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus, et Pilate commanda qu’on le lui donnât (58). Joseph donc ayant pris le corps, l’enveloppa dans un linceul blanc (59). Et il le mit dans un sépulcre qui n’avait point encore servi et qu’il avait fait tailler dans le roc ; et ayant fermé l’entrée du sépulcre avec une grande pierre, il s’en alla (60) ». Cet homme, qui était en secret disciple de Jésus-Christ, osa après la mort du Sauveur entreprendre une chose assez hardie. Car ce n’était point un homme du commun qui fût peu considérable, mais un magistrat et un homme d’autorité. Ce qui nous fait voir davantage la force et le courage qu’il lui fallait pour s’exposer si généreusement à la mort et à la haine de tout le monde, Car il va demander « hardiment » le corps, et il ne cesse point de le demander qu’il ne l’ait obtenu de Pilate. On voit qu’elle était l’ardeur de l’amour que cet homme avait pour le Sauveur, non seulement en ce qu’il va demander son corps et qu’il l’ensevelit avec tant de magnificence, mais encore en ce qu’il le met dans, son sépulcre qui n’avait point encore servi ce que Dieu disposa ainsi par une admirable sagesse, afin que personne mie crût que ce fût quelque autre qui fût ressuscité au lieu du Sauveur.
« Et Marie-Madeleine et l’autre Marie étaient là, se tenant assises auprès du sépulcre (61) ». Pourquoi ces femmes demeuraient-elles en ce lieu, sinon parce qu’elles n’avaient pas encore une assez haute idée de la divinité de Jésus-Christ ? C’est pourquoi elles portent des parfums, et elles demeurent auprès du tombeau, afin qu’aussitôt que la fureur des Juifs le leur permettrait, elles eussent la consolation de les répandre sur son corps sacré. Considérez donc, mes frères, le courage de ces femmes ; considérez l’ardeur de leur charité envers Jésus-Christ ; considérez leur sainte profusion pour acheter des parfums ; considérez ces cœurs intrépides dans les périls et préparés à la mort.
3. Imitons, nous autres qui sommes hommes, imitons au moins ces femmes. N’abandonnons point Jésus-Christ dans ses tentations et dans ses maux. Ces femmes, pour parfumer son corps mort, dépensent beaucoup d’argent, et s’exposent même au danger de perdre la vie ; et nous, comme je m’en plains si souvent, nous négligeons de l’assister dans sa faim et de le vêtir lorsqu’il est nu. Et lorsqu’il nous tend la main pour nous demander l’aumône, nous passons outre sans l’écouter. Il n’y a personne, si dur qu’on le suppose, dans cette assemblée, qui ne donnât tout son bien à Jésus-Christ s’il le voyait ici en personne ; et maintenant nous ne lui donnons rien, quoique ce soit lui-même qui se présente à nous, et qu’il nous ait assuré qu’il regardait cette aumône comme si nous la lui avions faite à lui-même : « Ce que vous faites », dit-il « à un de ces plus petits, vous me le faites à moi-même ».
Pourquoi donc ne donnez-vous pas l’aumône à ce pauvre, puisqu’il n’y a point de différence entre donner à ce pauvre ou à Jésus-Christ ? Vous ne serez pas moins récompensé que ces femmes qui nourrissaient Jésus-Christ durant sa vie, et, si je l’ose dire, que personne mie se trouble de cette parole, vous le serez beaucoup davantage. Car il faut moins de vertu pour donner à manger au Sauveur lorsqu’il est présent, et que sa présence est capable d’amollir un cœur de pierre, que pour nourrir et assister les pauvres, les mendiants et les malades par le seul respect que l’on porte à ses paroles. Dans le premier cas, le visage et la dignité d’un Dieu homme, vivant et parlant, a beaucoup de part à la bonne action ; mais dans l’autre, le mérite de votre libéralité et de votre charité est tout à vous. Et de plus, c’est une très-grande marque de la révérence que