Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/78

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les morts mêmes ressuscitèrent alors : ce qui était sans doute la plus grande marque de la divinité de Celui qui avait voulu mourir sur une croix. Elisée ayant autrefois touché un mort, le fit ressusciter ; mais ici un corps attaché en croix, d’un seul cri en ressuscite plusieurs. L’un n’était que la figure de l’autre, et n’arriva qu’afin de rendre ce dernier miracle plus aisé à croire.
2. Mais ces prodiges ne se terminèrent pas à la résurrection de quelques morts. On vit encore les pierres se fendre et la terre s’ébran1er : ce que Dieu permit alors, afin qu’on reconnût que Celui qui était si puissant, aurait bien pu perdre ses bourreaux. Car la même main qui faisait trembler la terre, et qui obscurcissait le soleil aurait pu exterminer sans peine ces hommes de sang. Mais il ne le voulut pas. Il se contenta de témoigner sa puissance sur les éléments, et il voulut épargner ces âmes si criminelles pour leur donner lieu de se sauver. Cependant rien ne put fléchir leur esprit ni amollir leur dureté. Ils firent voir en ce point jusqu’où va l’excès de l’envie, que rien ne peut arrêter, et qui porte tout aux extrémités. Ils osèrent résister encore à des miracles si éclatants, et nous voyons même que Jésus-Christ étant ressuscité malgré tous ces gardes qui l’environnaient, ils corrompirent les soldats, afin d’étouffer par leur imposture la vérité de sa résurrection. Il ne faut donc pas s’étonner de cette indifférence qu’ils témoignent ici, puisque leur endurcissement les rendait capables de tout.
Considérons plutôt quels étaient ces miracles que Jésus-Christ fit lorsqu’il était attaché en croix. Les uns se font dans le ciel, les autres dans la terre, et les autres dans le temple. Il voulait témoigner par ces différents prodiges, ou que son indignation était extrême, ou que sa bonté nous allait bientôt découvrir ce qui jusque-là nous avait été caché, c’est-à-dire, que les cieux seraient ouverts aux hommes, et qu’il les allait introduire dans le véritable sanctuaire. Les Juifs disent : « S’il est roi d’Israël, qu’il descende de la croix » ; et lui témoigne par ses miracles qu’il est le Roi de tout l’univers. Ils disent : « Va, toi qui détruis le temple de Dieu, et qui le rétablis en trois jours » ; et lui leur témoigne par des preuves certaines qu’il allait bientôt être ruiné, Ils disent : « Il a sauvé les autres et il ne peut se sauver lui-même » ; et lui fait voir sensiblement le contraire de ce qu’ils disent ; puisque celui qui ressuscitait tant de morts aurait bien pu se sauver lui-même. Car si la résurrection de Lazare, quatre jours après sa mort, était un si grand miracle, quel ne fut pas celui qui a fait revivre des personnes mortes depuis tant de temps par une résurrection qui était tout ensemble une preuve et une figure de la résurrection générale ? « Car plusieurs corps de saints qui étaient dans le sommeil de la mort ressuscitèrent ; et, sortant de leurs tombeaux « après sa résurrection, vinrent en la ville sainte et apparurent à plusieurs ». Afin que ce que dit l’Évangile ne passât point pour une illusion, il est marqué que ces morts ressuscités apparurent à plusieurs dans la ville.
« Mais le centenier rendit gloire à Dieu, en disant : Cet homme était vraiment le Fils de Dieu ; et le peuple qui était venu voir ce spectacle fut saisi de crainte et s’en retourna en se frappant la poitrine ». La puissance de Jésus-Christ crucifié fut telle qu’après tant d’outrages et tant d’insultes, après la mort même qu’il avait souffert, tout le peuple ne laissa pas d’être touché de regret, et que le centenier reconnut que celui qui avait été crucifié était Fils de Dieu. Quelques-uns disent que ce centenier fut ensuite tellement fortifié dans la foi et dans la vertu, qu’il endura le martyre. « Il y avait là aussi plusieurs femmes qui le regardaient de loin, lesquelles avaient suivi Jésus depuis la Galilée, ayant soin de l’assister (55). Entre lesquelles était Marie-Madeleine, Marie mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée (56) ». Comme les femmes sont naturellement plus tendres et plus compatissantes que les hommes, celles-ci répandaient des larmes en voyant des événements si douloureux. Et considérez cette constance qu’elles témoignent. Elles assistent Jésus-Christ et le suivent jusque dans les plus grands périls. Elles sont présentes à son supplice, et elles en voient toutes les circonstances. Elles t’entendent pousser son dernier cri, elles le voient expirer, elles voient les pierres se fendre et toutes les autres choses que l’Évangile rapporte. C’est pourquoi elles furent aussi les premières qui virent le Fils de Dieu ressuscité ; et le sexe qui avait le premier péché et qui avait été ensuite le premier condamné de Dieu, fut le premier qui jouit des biens de la nouvelle vie que Jésus-Christ apporta aux