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sont emportées par leur instinct destitué de raison, et par l’impétuosité de la nature. Mais quelle excuse vous reste-t-il à vous qui, étant homme, agissez en bête ?
Car quel mal vous a-t-on fait ? vous a-t-on ravi votre bien ? C’est ce qui devrait vous donner de la joie, puisqu’en souffrant cette perte elle vous sera très-avantageuse et que vous en recevrez plus de bien qu’on ne vous en ôte. Vous a-t-on méprisé ? A quoi se réduit ce mépris ? En Êtes-vous moins que vous n’étiez si vous avez un peu de vertu pour le souffrir ? Si vous ne souffrez donc en cela aucun mal qui soit véritable, pourquoi vous fâchez-vous contre une personne qui, bien loin de vous nuire, vous a fait du bien ? Ne savez-vous pas que l’honneur et l’estime rendent encore plus faibles ceux qui sont lâches, et que le mépris rend encore plus forts ceux qui sont forts ? Les traitements injurieux abattent les tièdes et les négligents, mais les louanges leur nuisent. Car si nous pesons les choses dans une juste balance, nous trouverons que ceux qui nous blâment ne servent qu’à accroître notre vertu et notre mérite, et qu’au contraire ceux qui nous louent ne peuvent nourrir que notre complaisance et notre orgueil, qui est la source de tous les maux.
Nous pouvons remarquer la vérité de ce que je dis dans la manière dont les pères se conduisent envers leurs enfants lis craignent de les louer, et ils leur font souvent des réprimandes, de peur qu’ils ne s’affaiblissent et qu’ils ne se relâchent par les louanges qu’ils leur donneraient. Les maîtres agissent aussi tous les jours de la même manière à l’égard de leurs disciples. C’est pourquoi s’il était permis à un chrétien d’avoir de l’aversion pour quelqu’un, il en devrait plutôt avoir pour ceux qui le louent et qui le flattent, que pour Ceux qui l’offensent et le décrient. Les flatteries sont bleu plus dangereuses que les injures, et si nous ne veillons bien sur nous, il est beaucoup plus aisé de nous y laisser surprendre. C’est pourquoi il faut que celui qui ne se laisse point toucher par l’honneur et par les louanges, ait une grandeur d’âme et de piété tout à fait rare, et il doit attendre de Dieu une récompense toute extraordinaire.
C’est un miracle bien plus grand de voir un homme qui ne se trouble point lorsqu’on le blesse dans son honneur, que d’en voir un autre qui ne tombe point lorsqu’on le frappe dans son corps. Mais le moyen, dites-vous, que je sois insensible à l’outrage ? Vous le ferez si, lorsqu’on vous offense, vous avez aussitôt recours au signe de la croix et si vous l’imprimez sur votre cœur ; si vous êtes chrétien, vous ne pouvez vous souvenir de ce que Jésus-Christ a souffert pour vous, sans oublier ce que vous souffrez. Ne vous arrêtez pas aux injures que vous fait cet homme ; pensez aux biens que vous en recevrez. C’est ainsi que vous cesserez bientôt de vous fâcher contre lui, et que vous passerez à des sentiments de douceur et de bonté. Je dis plus, mes frères, craignez Dieu, que sa crainte vous soit toujours présente, qu’elle soit gravée dans le fond de votre cœur et elle vous rendra doux et paisibles.
4. Que l’exemple aussi de vos domestiques vous avertisse continuellement de votre devoir. Considérez, lorsque, vous leur faites quelque-fols des réprimandes, quel silence ils gardent alors, et que cela vous apprenne que ce n’est pas une chose qui vous soit si difficile que de vous taire lorsque les autres vous offensent. Vous apprendrez ainsi à condamner vos emportements, vous reconnaîtrez avec douleur dans la plus grande chaleur de votre colère que vous faites mal, et vous vous accoutumerez peu à peu à devenir comme insensible lorsqu’on vous outrage et qu’on vous fait des insultes. Souvenez-vous que celui qui s’emporte contre vous n’est plus maître de lui-même ; qu’il est comme un homme qui a perdu l’esprit et vous n’aurez plus de peine à souffrir toutes ses injures.
Combien de fois les possédés nous frappent-ils ? Et cependant, bien loin de nous en fâcher, nous n’avons pour eux que de la compassion et de la tendresse. Faites de même, mes frères, ayez pitié de celui qui vous dit des injures. Il est dévoré par la colère comme par une bête furieuse et déchiré par un monstre terrible qui est le démon. Hâtez-vous de délier un homme qui est si misérablement tourmenté et qui par une passion si courte se cause une mort qui ne finira jamais. Cette maladie est si violente, qu’en un moment elle perd celui qu’elle possède. De là vient cette parole : Le moment de sa fureur est le moment de sa chute. Car c’est ce qu’il y a de particulier et d’épouvantable dans cette passion. Elle ne peut pas durer longtemps. Et cependant dans le peu qu’elle dure elle cause des maux presque irréparables. Si sa durée égalait