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argent, « il le jeta dans le temple, et s’en étant allé, il s’étrangla ».
3. « Mais les princes des prêtres ayant pris l’argent dirent : il ne nous est pas permis de le mettre dans le trésor, parce que c’est le prix du sang (6). Et ayant délibéré là-dessus ils en achetèrent le champ d’un potier pour y ensevelir les étrangers (7). C’est pourquoi ce même champ est appelé encore aujourd’hui Haceldama, c’est-à-dire le champ du sang (8). Alors cette parole du prophète Jérémie fut accomplie : Ils ont reçu les trente pièces d’argent qui étaient le prix de celui qui a été mis à prix, mis à prix par les enfants d’Israël (9). Et ils les ont donnés pour en acheter le champ d’un potier, comme le Seigneur me l’a ordonné (10) ». Remarquez qu’ils se condamnent encore ici eux-mêmes. Comme ils n’ignoraient pas qu’ils avaient acheté injustement la mort d’un homme innocent, ils ne voulurent point mettre cet argent dans le trésor ; mais ils en achetèrent un champ pour la sépulture des étrangers, qui devait être une preuve manifeste et un monument éternel de leur trahison. Car le nom seul de ce champ est comme une voix éclatante qui publie partout le crime qu’ils ont commis. Et ils ne font point cette action sans en délibérer entre eux. Ils assemblent tout le conseil. Ce qu’ils font afin qu’il n’y eût personne d’entre les princes des prêtres qui fût innocent, et qu’ils fussent tous coupables d’un si grand crime.
Le prophète Jérémie avait décrit toutes ces particularités plusieurs siècles auparavant. Et nous pouvons remarquer que ce ne sont pas seulement les apôtres et les Évangélistes mais encore les prophètes gui ont marqué en particulier, tous les outrages dont on a couvert Jésus-Christ, et qui ont parlé pleinement des circonstances de sa mort. Les Juifs ne se conduisirent de la sorte que par le mouvement de cette fureur aveugle qui les transportait. S’ils eussent mis cet argent dans le trésor, ils eussent moins signalé leur injustice, mais l’ayant employé pour en acheter un champ, ils ont rendu toute la postérité témoin de leur cruauté et de leur crime.
Écoutez ceci, vous tous qui faites gémir par votre avarice le pauvre et l’orphelin. Lorsque vous donnez en aumône un bien qui est le prix de quelque violence, ou qui vous vient du sang et de la substance des pauvres ; vous imitez Judas qui alla donner au temple l’argent qui était le prix du sang de Jésus-Christ, et vos aumônes sont plutôt diaboliques que chrétiennes. Il y en a encore aujourd’hui qui, après s’être enrichis du bien d’autrui, se croient excusés de tous crimes s’ils en donnent quelque partie aux pauvres. C’est de ceux-là que le prophète parle, lorsqu’il dit : « Vous couvrez mon autel de larmes ». (Mal. 2,13) Jésus-Christ ne veut point être nourri de rapines. Cette nourriture lui est odieuse. Comment méprisez-vous le Seigneur jusqu’au point d’oser lui offrir des choses impures ? Ne vaut-il pas encore mieux qu’il sèche de faim, que de le soulager par ces sortes d’aliments ? On n’est que cruel en le laissant mourir de faim ; mais on joint l’outrage et l’insulte à la cruauté, lorsqu’on lui offre une si horrible nourriture. Il vaut mieux ne rien donner du tout, que de donner aux uns le bien des autres.
Dites-moi, je vous prie, si vous voyiez deux hommes, l’un nu et l’autre vêtu, ne feriez-vous pas une injustice et une injure à celui qui est vêtu, si vous le dépouilliez afin de revêtir celui qui est nu ? Il est certain que vous en feriez une, et une très-grande. Si donc, lorsque vous donneriez à l’un tout ce que vous auriez pris à l’autre, il est vrai que vous n’exerceriez pas une charité, mais plutôt que vous commettriez une injustice ; de quel supplice ne serez-vous point châtié, lorsque vous ne donnez pas la trentième partie de ce que vous avez ravi, et que vous ne laissez pas de l’appeler une aumône ?
Si Dieu condamnait autrefois ceux qui lui offraient en sacrifice une victime boiteuse, comment vous excuserez-vous en le traitant avec encore plus de mépris ? Et si un larron, après avoir restitué au légitime maître ce qu’il avait dérobé, était encore coupable d’injustice, et ne pouvait, durant l’ancienne Loi même, expier son crime qu’en rendant le quadruple du larcin ; quels feux n’attire point sur sa tête celui qui ne dérobe pas seulement en cachette, mais qui ravit avec violence, qui ne rend pas ce qu’il a pris à celui à qui il l’a pris, mais qui le donne à un autre ; qui ne rend pas au quadruple, mais qui ne donne pas même la moitié ; et qui ne vit pas sous l’ancienne Loi de Moïse, mais sous la nouvelle Loi de la grâce ?
Que s’il n’en est pas encore puni en ce monde, 41 n’en est que plus à plaindre, parce qu’il s’amasse un trésor de plus grands châtiments et