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celles de l’humanité, et les hommes se montraient plus cruels que les bêtes féroces. Or tous ces maux furent amenés par cette guerre sanglante que permirent le Seigneur et son Christ. Ces faits sont un bon argument contre les marcionites et contre ceux qui nient l’existence de l’enfer ; et on peut s’en servir utilement pour confondre leur impudence. Et puis, cette dernière désolation ne surpasse-t-elle pas celle de la captivité ; et la famine qu’elle occasionna ne fut-elle pas plus cruelle qu’à cette époque ? Certainement ; et c’est de tous ces maux que Jésus-Christ lui-même a dit : « Cette tribulation sera telle qu’on n’en a jamais vu et qu’on n’en verra jamais de semblable ». (Mt. 24,21)
Comment donc quelques-uns disent-ils que Jésus-Christ a remis aux Juifs la peine de leur déicide ? Cette objection est peu grave, et vous pouvez facilement la résoudre. Au reste, on ne pourrait ici rien inventer qui approchât de la réalité ; et si le récit que nous en possédons était dû à une plume chrétienne, il serait permis de le soupçonner d’exagération. Mais on ne saurait s’inscrire en faux contre sa véracité, puisqu’il a pour auteur un Juif, très attaché à sa nation, et qui écrivait après 1a promulgation de l’Évangile. On voit en effet que dans toutes circonstances il s’attache à relever ses concitoyens. Concluons qu’il existe un enfer, et que Dieu est bon. Le récit des malheurs de Jérusalem vous a remplis d’effroi ; eh ! que sont ces maux en comparaison des supplices de l’enfer ? Mais voilà que de nouveau je vous deviens fâcheux et importun. Que faire à cela ? Ma position l’exige. Un évêque ressemble à un maître sévère qui encourt la haine de ses élèves. Mais, puisque les ministres d’un roi exécutent ses ordres, même les plus rigoureux, ne serait-il pas absurde que, pour vous complaire, je négligeasse les devoirs de ma charge ?
Chacun a son œuvre à remplir ; et le devoir du plus grand nombre est de se secourir mutuellement dans un esprit de compassion et de bienveillance, de douceur et de bonté. Le pasteur, au contraire, pour être utile à son troupeau, doit se montrer dur et sévère, fâcheux et importun. Car il fera le bien par d’austères remontrances plus que par d’agréables compliments. Tel est aussi le sort du médecin ; et toutefois il est moins rude, parce que les bienfaits de son art se réalisent soudain, tandis que ceux de l’évêque se réservent pour l’éternité. Ainsi encore, le juge est odieux aux malfaiteurs et aux séditieux, et le législateur est importun à ceux que gêne la loi. Mais un accueil bien différent est réservé à celui qui flatte le peuple, qui l’amuse et qui lui préparé des jeux et des fêtes. Et en effet, quels applaudissements ne reçoivent pas ces riches citoyens qui donnent les jeux publics et se ruinent en prodigalités ! Aussi le peuple reconnaissant célèbre-t-il leurs louanges, et par honneur il tend les rues de riches tapisseries, illumine les maisons, porte des palmes et leur offre des couronnes et de somptueux vêtements. Le malade, au contraire, s’attriste en voyant le médecin, et le séditieux devient humble en présence du juge : il perd soudain sa pétulance et son audace, parce qu’il sait que le devoir de ce juge est de le châtier.
Mais examinons qui est plus utile à une cité, ou l’édile qui fournit aux dépenses des jeux, du théâtre et des repas publics, ou le magistrat qui, an lieu de ces pompes superflues, s’entoure de chevalets, de fouets, de bourreaux et de soldats terribles, qui prononce des paroles sévères et des arrêts rigoureux, et qui commande à ses licteurs d’écarter du forum une foule tumultueuse. Eh bien ! examinons quels résultats amènent deux conduites si opposées. Le magistrat est un homme odieux et l’édile est un galant homme. Mais que produisent le fêtes qu’il prodigue ? De froids plaisirs qui durent jusqu’au soir et s’évanouissent avec l’aurore ; des rires indécents et des paroles libres et légères. Eh ! que doit-on au magistrat ? La crainte et la tempérance, la soumission de l’esprit et la retenue des mœurs, l’amour du travail, la répression des mauvaises passions de l’âme, est un rempart contre les désordres extérieurs. Sous l’égide de ces vertus, chacun jouit tranquillement de sa fortune, tandis que le régime contraire la dilapide dans les jeux et les fêtes ; et si des voleurs ne nous l’enlèvent pas, le plaisir et l’ostentation nous la ravissent. Cependant on s’aperçoit bien qu’on est volé, mais on ne laisse pas que d’en rire. Ce sont des voleurs d’un genre tout nouveau : ils dépouillent leur victime et puis lui persuadent qu’elle doit s’en réjouir.
4. Mais dans la religion, rien de semblable, et le Seigneur, qui est le père de tous, nous prescrit le secret de nos bonnes œuvres, et même de nos bonnes intentions. Car il a dit : «