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Mais qui arrive à l’épiscopat par cette voie ? Plût à Dieu qu’on ne pût en citer un seul exemple ! Au reste, je désire vivement que ces paroles ne vous concernent en rien, et ce n’est que par incident que j’ai touché ce sujet : car lorsque je m’élève contre l’avarice, je n’ai en vue aucun de vous, ni en général, ni en particulier. Plaise donc au ciel que tous nos avertissements vous deviennent inutiles ! Le désir du médecin est de voir que ses soins multipliés rendent superflu l’emploi des remèdes et de même je souhaite que mes paroles se perdent dans l’air, et né soient qu’un vain bruit. De mon côté, je suis disposé à tout souffrir plutôt que de reprendre ce sujet ; et si vous le voulez, je n’y reviendrai plus, pourvu que mon silence soit sans danger. Car je ne pense pas que le plus ambitieux d’entre vous veuille, sans y être contraint, aspirer à l’épiscopat. Désormais je me bornerai à vous instruire par de bons exemples, car c’est là le meilleur de tous les enseignements. Un habile médecin gagne gros par ses cures, et néanmoins il préfère voir ses amis en bonne santé. C’est ainsi que je désire l’heureuse santé de vos âmes, car tout en voulant me sauver, je ne veux point votre perte. Ah ! si je pouvais vous faire voir toute la charité de mon cœur, nul ne s’offenserait même d’un reproche amer. « Car il est certain que les blessures d’un ami valent mieux que les baisers empressés d’un ennemi ». (Prov. 27,6)
Vous m’êtes plus chers que la lumière elle-même ; et je souhaiterais cent fois d’en être privé, pourvu que je pusse à ce prix convertir vos âmes ; tant votre salut m’est plus doux que les rayons du soleil. Eh ! de quels charmes sont-ils pour moi, si la douleur de votre perte répand sur mes yeux d’épaisses ténèbres ? La lumière extérieure est bonne, quand elle s’harmonise avec la joie du cœur ; et elle fatigue l’œil, lorsque l’âme est plongée dans un noir chagrin. Je parle ici en toute sincérité, et puisse l’expérience – ne jamais vous l’apprendre ! Au reste, s’il arrive qu’un seul d’entre vous tombe dans une faute grave, réveillez mon zèle. Que je périsse si je deviens semblable au paralytique ou à l’insensé, et si je suis réduit à dire avec le prophète : « La lumière de mes yeux s’éteint, et elle n’est plus en moi ». (Ps. 37,10) Eh ! quelle espérance peut me sourire, quand vous ne faites aucun progrès dans la vertu ! Mais aussi quelle tristesse peut m’accabler, quand vous vous conduisez dignement ! Oui, je ne marche plus, je vole lorsque j’entends dire du bien de vous. « Comblez donc ma joie ». (Phil. 23) Car je ne souhaite, et je ne désire que votre avancement spirituel, et je ne veux l’emporter sur vous tous qu’en une seule chose ; c’est que je vous aime et que je vous chéris. Oui, vous êtes tout pour moi, père, mère, frères et enfants. Ah ! ne pensez pas qu’aucune de mes paroles me soit inspirée par un sentiment d’aversion ! je ne parle que pour votre correction ; « et le frère », dit l’Écriture, « qui est aidé par son frère, est semblable à une ville fortifiée ». (Prov. 18,19) Ne murmurez donc point ; car, moi aussi, j’estime votre parole, et bien volontiers je recevrais vos avis et vos observations. Nous sommes tous frères, et nous n’avons tous qu’un seul et même Maître. Or, dans une famille, un seul commande, et tous les autres obéissent. C’est pourquoi ne murmurez point ; mais en toutes choses agissons pour Dieu, à qui soit la gloire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.