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homme, et qu’il est mort sur la croix : de quels supplices la perte de cette âme ne sera-t-elle donc pas punie ? La justice des hommes condamne l’homicide au dernier supplice ; eh ! que ne fera pas la justice divine ! Ne me dites point qu’ici le prêtre ou le diacre sont seuls responsables, car leur péché rejaillit sur l’évêque qui leur a imposé les mains. Nouvelle difficulté : un indigne a reçu l’ordination. Que conseillera la prudence pour réparer des fautes accomplies ? L’évêque marche alors entre deux précipices, car il ne doit, ni tolérer l’homme en question, ni scandaliser les fidèles. Faut-il donc retrancher tout d’abord ? mais l’occasion ne se présente pas. Faut-il tolérer ? ce serait le mieux, direz-vous, car les fautes de ce clerc retombent sur celui qui lui a imposé les mains. Eh quoi ! faut-il ne plus lui imposer les mains et ne pas l’admettre à un degré plus élevé ? mais ce sera rendre son indignité publique. Nouvel écueil, nouveau scandale. L’admettra-t-on à un degré plus élevé ? on ne fera qu’aggraver le mal.
5. Concluons que celui qui considère la dignité épiscopale comme une charge lourde et onéreuse, ne s’y engagera pas facilement. Mais aujourd’hui on la regarde comme une magistrature séculière, et nous perdons devant Dieu tout ce que nous gagnons devant les hommes en gloire et en honneur. Quel gain solide en retirons-nous ? et tout n’est-il pas néant et vanité ? Vous ambitionnez le sacerdoce ; eh bien ! mettez en regard l’enfer, et le compte qu’il vous faudra rendre ; la vie calme et paisible que vous menez, et la rigueur des supplices éternels. Si un laïque pèche, il sera puni moins sévèrement ; mais si un prêtre pèche, il se damne. Rappelez-vous les travaux de Moïse, sa douceur et ses mérites ; et cependant quelle punition ne lui attira pas un seul péché ! mais elle fut juste, parce que ce péché devint préjudiciable à tout le peuple. Moïse fut donc puni rigoureusement, bien moins parce que sa faute avait été publique, que parce qu’il avait péché comme prêtre. Car le châtiment d’un péché public est tout autre que celui d’un péché secret. La faute peut être la même ; mais la punition en est différente. Que dis-je ? il n’y a point égalité dans la faute ; et autre est un péché secret, et autre un péché public. Au reste, un évêque ne saurait pécher en secret.
Juste et innocent, il est bien à souhaiter qu’il ne soit pas exposé aux traits de la calomnie ; mais, fautif et pécheur, il ne peut les éviter. Un mouvement de colère, un rire peu mesuré et un sommeil trop prolongé, deviennent contre lui une occasion d’amères critiques. Que de gens s’en offensent ! Les uns lui tracent des règles de conduite, et les autres, rappelant le souvenir des anciens évêques, blâment le nouveau pasteur ; mais s’ils retracent ainsi les vertus de ces anciens prêtres et évêques, c’est bien moins par zèle de leur gloire que par esprit de censure et de malignité. La guerre, disent-ils, plaît toujours aux nouveaux soldats. Ce proverbe est vrai aujourd’hui encore, et nous-mêmes nous le répétons à la veille du combat. Mais dès qu’arrive ce jour, rien ne nous distingue plus du grand nombre. Car, loin de combattre ceux qui oppriment les pauvres, nous ne défendons pas même le troupeau de Jésus-Christ, et nous ressemblons à ces pasteurs dont parle Ézéchiel, qui tuent et dévorent les brebis. (Ez. 34,2) Quel évêque paît le troupeau de Jésus-Christ avec la même sollicitude que Jacob gardait celui de Laban ? et qui, à son exemple, supporte les froids de la nuit ? Ne m’objectez point mes veilles et mes soins empressés, car tout ce que je fais n’est rien.
Cependant les consuls eux-mêmes sont moins honorés qu’un évêque. A la cour il est le premier ; et parmi les dames, et dans le palais des grands on lui défère le premier rang. Hélas ! ces honneurs ont tout vicié et tout corrompu. Si je parle ainsi, ce n’est point pour vous faire rougir, et je ne veux que modérer en vous le désir de l’épiscopat. Quelle différence faites-vous entre le briguer vous-même, ou y parvenir par les intrigues d’un ami ? De quel œil regarderez-vous désormais ce puissant auxiliaire ? et que pourrez-vous alléguer pour votre justification ? Celui qui n’a accepté l’épiscopat que malgré lui, peut du moins présenter cette répugnance comme une excuse ; et, quoique le plus souvent on ne lui en tienne pas compte, elle ne laisse pas d’être une excuse réelle. Vous savez quel a été le sort de Simon ? Eh ! qu’importe qu’au lieu d’argent, vous prodiguiez l’adulation et l’intrigue ! « Que ton argent périsse avec toi ! » lui dit Pierre, et il vous dira à vous : Que votre ambition périsse avec vous, parce que vous avez cru que le don de Dieu s’acquérait par des moyens humains !