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Seigneur que le sien ; et il ne fit paraître qu’une basse et envieuse jalousie, lorsqu’il eut dû montrer un sincère repentir. Je ne dis point que vous en veniez jusque-là, mais je soutiens qu’il appartient à Dieu de dispenser utilement les charges et les dignités. Car, souvent vous, qui avez des mœurs simples et modestes, vous n’y êtes point propres. Et de même aussi, il ne suffit pas d’une vie pure et exemplaire pour gouverner une église. Car celui-ci est apte à un emploi, et celui-là à un autre – Il est facile d’en trouver mille exemples dans la sainte Écriture.
Mais je dirai franchement pourquoi l’on brigue ainsi l’épiscopat. C’est qu’on l’envisage moins comme une charge pleine de sollicitude pour le salut de ses frères, que comme un honneur et un repos. Ah ! si vous étiez bien persuadé qu’un évêque doit être le serviteur de tous, et qu’il doit porter les fardeaux de tous ; qu’on pardonne aux autres quelques mouvements de colère, et qu’en lui on n’en tolère aucun ; qu’on excuse beaucoup dans les autres, et que pour lui on est implacable, vous n’ambitionneriez pas cette dignité. Un évêque est exposé à la malignité de toutes les langues et à la critique de tous, des sages comme des insensés. En proie à mille inquiétudes, lé jour et même la nuit, il devient encore pour plusieurs un objet de haine ou de jalousie. Sans doute, je ne parle pas ici de ces évêques qui ne s’étudient qu’à plaire à tout le monde, qui craignent le moindre travail, et qui font de l’épiscopat un état de repos et de somnolence. Je les laisse de côté, et je parle de ceux qui veillent sur leur troupeau, et qui exposent leur salut pour sauver vos âmes.
Répondez-moi : Le père de famille qui a dix enfants, tous parfaitement soumis, et habitant avec lui, ne laisse-t-il pas néanmoins d’exercer sur eux une continuelle vigilance ? Eh l que fera donc un évêque dont la nombreuse famille qui reconnaît son autorité n’est point placée sous son œil, ni sous sa main ? Mais, direz-vous, il est entouré d’honneurs. De quels honneurs ? Sur la place publique, les derniers des mendiants lui prodiguent l’injure et le sarcasme. Eh ! pourquoi ne leur ferme-t-il pas la bouche ? Vous parlez tout à votre aise ; mais la chose n’est pas facile à faire. Oui, si un évêque ne donne aux fainéants comme aux travailleurs, tous s’accordent pour le décrier, et tous osent l’accuser et le calomnier. Si c’était un prince, la crainte arrêterait ; mais ici, ce motif est nul, car les insulteurs ne craignent point Dieu.
Qui pourrait encore se représenter les soucis d’un évêque par rapport à la prédication, au maintien de la doctrine, et aux nombreuses difficultés des ordinations ? Peut-être suis-je moi-même un évêque faible, misérable et de nulle valeur ; mais il me semble que les choses sont bien telles que je les dépeins. Aussi, un pasteur est-il véritablement comme une nacelle qui est battue des vagues. Car de tous côtés, il est assailli par ses amis et ses ennemis, par ses proches et par les étrangers. Eh quoi ! un seul empereur gouverne l’univers, et un évêque ne l’est que d’une seule ville. Je l’avoue, et néanmoins les sollicitudes de l’évêque sont d’autant plus grandes que la mer est plus houleuse et les vagues plus furieuses. Comment ? C’est que le prince fait agir ses nombreux ministres, et que ses lois et ses volontés sont parfaitement exécutées. Mais ici il n’en est pas de même. L’évêque ne saurait commander avec une souveraine autorité ; s’il est sévère, on l’appelle rigide, et s’il est bon et facile, on l’accuse d’être lâche et indifférent. Il faut donc qu’il unisse en lui comme deux éléments contraires, et qu’il ne s’attire ni le mépris, ni la haine.
Que dirai-je de la préoccupation des affaires ? Combien d’hommes il doit nécessairement offenser, même sans le vouloir ! et combien d’autres il est obligé de traiter avec sévérité ! Je parle ici dans toute la sincérité de mon âme, et je dis que peu de pasteurs se sauvent, et que le plus grand nombre se damnent, parce que la charge pastorale exige une vertu héroïque. Et en effet il faut que sans cesse l’évêque fasse violence à son caractère, et qu’il exerce sur lui-même la plus active vigilance. Eh ! ne voyez-vous pas quel es qualités doit posséder un évêque ? Il doit être puissant en doctrine, patient, et capable d’instruire fidèlement. Mais que de difficultés dans ce ministère de la parole ! Bien plus, l’évêque est responsable du salut de ses frères ; et, pour ne citer qu’un seul exemple, si par sa faute un catéchumène meurt sans baptême, son salut n’est-il pas bien hasardé ? car la perte d’une âme est un malheur qu’on ne peut assez déplorer.
Le salut d’une âme est d’un si haut prix que, pour l’assurer, le Fils de Dieu s’est fait