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être intimidé, puisqu’il est marqué qu’il était dehors. Car il « était assis dehors dans la cour ». C’est lorsqu’il fut sorti qu’on lui demanda s’il n’était pas disciple de Jésus-Christ.
Saint Luc dit que cet apôtre ne s’aperçut point de sa faute et qu’il ne rentra en lui-même que lorsque Jésus-Christ le regarda. Ainsi non seulement il renonça Jésus-Christ, mais il fut encore si éloigné de reconnaître ce crime, nonobstant le chant du coq, que si Jésus-Christ ne l’eût fait rentrer en lui-même, il n’y eût pas fait de réflexion. Il eut donc besoin, du secours de la grâce du Sauveur. Ce regard fut comme une voix puissante qui lui parla, et sans laquelle la peur dont il était saisi l’eût fait demeurer toujours dans sa faute. Saint Marc dit que dès le premier renoncement de saint Pierre, le coq chanta pour la première fois ; et qu’au troisième renoncement, le coq chanta pour la seconde fois. Il est le seul qui ait marqué si en détail et avec tant d’exactitude le soin que Jésus-Christ témoigna alors pour son disciple, et la faiblesse prodigieuse dont saint Pierre se laissa saisir. Comme saint Marc était le disciple de cet apôtre, il a pu savoir de lui plus particulièrement cette circonstance, et nous ne pouvons assez admirer que non seulement il n’ait point omis cette faute d’un homme qui lui était si vénérable, mais qu’il l’ait même décrite avec plus de circonstance que les autres.
2. Comment donc, puisque saint Matthieu dit : « Avant que le coq chante vous me renoncerez trois fois », saint Marc peut-il dire qu’après le triple renoncement de saint Pierre le coq chanta pour la seconde fois ? Ces deux Évangélistes s’accordent fort bien ; comme le coq a coutume de chanter trois ou quatre fois à chaque reprise, saint Marc s’exprime comme il fait pour montrer que le chant répété du coq n’arrêtait pas saint Pierre, ne le faisait pas rentrer en lui-même. Les deux versions sont donc vraies, car le coq n’avait pas encore achevé sa première reprise, lorsque Pierre renonça pour la troisième fois son maître. Et lorsque Jésus-Christ l’eut averti de son crime il n’osa même encore pleurer devant tout ce monde, de peur que ses larmes ne le fîssent reconnaître ; mais « il sortit dehors, et pleura amèrement ».
« Le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les sénateurs du peuple juif tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir. (Chap. 27,4) Et l’ayant lié, ils l’emmenèrent devant Ponce Pilate le gouverneur (2) ». Comme ils avaient résolu sa mort, et qu’ils ne le pouvaient faire mourir à cause de la fête de Pâques, ils le mènent à Pilate. Remarquez, mes frères, ils sont amenés à le faire mourir le jour même de cette fête, qui n’avait été autrefois établie parmi les Juifs que comme une figure de la vérité.
« Alors Judas qui l’avait trahi, voyant qu’il était condamné, se repentit de ce qu’il avait fait, et rapporta les trente pièces d’argent aux princes des prêtres (3) ». Cette circonstance redouble la faute de Judas et celle des prêtres. Elle augmente le crime de Judas, non parce qu’il se repentit de sa trahison ; mais parce qu’il le fit trop tard, et qu’il le fit mourir par un détestable désespoir ; se déclarant ainsi coupable de perfidie à la face de toute la terre. Elle redouble aussi le péché des prêtres, parce qu’au lieu d’être touchés de l’exemple de Judas, cl de condamner comme lui leurs cruels desseins, ils aimèrent mieux y demeurer opiniâtrement que d’en faire pénitence. Mais considérez que Judas ne se repent de son crime que lorsqu’il n’y peut plus remédier. C’est ainsi que le démon se conduit envers les hommes. Il ne leur laisse comprendre dans quels excès ils se sont laissés emporter que lorsque le mal est fait, et qu’il est irréparable, de peur qu’ils ne soient touchés de quelque sentiment de douleur, et qu’ils n’abandonnent leurs mauvais desseins. Judas, qui était jusque-là demeuré sourd à tant d’avertissements de Jésus-Christ, commence enfin lorsqu’il voit son crime achevé d’en concevoir du regret, mais un regret bien Superflu et bien inutile. C’est une action très-juste, et même louable que celle qu’il fait en se condamnant lui-même, en rejetant cet argent qui n’était que le prix de son crime, et en montrant qu’il n’était point retenu par la crainte ou par le respect des Juifs, mais on ne peut excuser la fureur avec laquelle il se fait mourir. Ce dessein ne peut être que l’ouvrage du démon. Le démon le soustrait d’avance à la pénitence de peur qu’il n’en recueille les salutaires fruits, et il le fait périr d’une mort la plus honteuse et publiquement connue, en lui persuadant de se tuer lui-même.
Considérez, je vous prie, comment la vérité s’établit, et s’appuie de toutes parts, par tout ce que font et ce que souffrent les ennemis déclarés de Jésus-Christ. Car cette mort funeste à