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nient la résurrection ? Sont-ils païens, ou chrétiens ? Je l’ignore ; ou plutôt, je ne le sais que trop bien. Ce sont des païens qui nient la création, et qui affirment également que Dieu ne peut ni tirer une créature du néant, ni la ressusciter du tombeau. Cependant, ils rougissent bientôt de méconnaître ainsi la puissance du Seigneur, et tâchent de s’excuser en disant qu’absolument il pourrait ressusciter les corps, mais que cette résurrection est inutile. Elle est donc bien vraie, leur répondrai-je, cette parole dé l’Écriture : « L’insensé ne dit que des extravagances ». (Is. 32,6) Quoi ! vous n’avez pas honte de refuser à Dieu le pouvoir de tirer du néant une créature ? Mais, s’il ne crée qu’avec une matière préexistante, en quoi diffère-t-il de l’homme ? Eh ! d’où vient le mal ? me direz-vous. Et moi, je vous répondrai que vous ne devez point, pour en expliquer l’existence, admettre un principe mauvais. D’ailleurs, votre langage est doublement absurde. Car, d’abord, si vous ne pouvez concevoir en Dieu le pouvoir créateur, vous comprendrez plus difficilement encore l’origine du mal ; en second lieu, vous blasphémez en soutenant que le mal existe par lui-même. Réfléchissez donc combien il est dangereux de rechercher trop curieusement la source du mal, et parce qu’on ne la connaît pas, d’en faire un second Dieu. Sans doute, il vous est permis d’aborder cette question, mais évitez tout blasphème. Eh quoi ! je blasphème ! Oui, c’est un blasphème que d’affirmer l’éternité d’un principe mauvais, de lui attribuer le pouvoir divin et de le mettre sur le même rang que la vertu. Le mal, dites-vous, existe par lui-même ; mais vous avez oublié cette parole de l’apôtre : « Les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles depuis la création du monde, par tout ce qui a été fait ». (Rom. 1,20) C’est pourquoi le démon dit que la matière préexistait avant Dieu et avant la création, afin que celle-ci ne nous conduise point à Dieu. Car, je vous le demande, est-il plus difficile de tirer une créature du néant que de rendre bon ce qui est essentiellement mauvais ? Je parle dans votre hypothèse, et, en supposant que ce principe existe, je dis qu’étant mauvais par lui-même, il ne peut être utilisé pour le bien. Et maintenant, pour parler des qualités d’un être, je vous demanderai lequel est le plus facile, ou d’ajouter une qualité qui n’existait pas, ou de changer une qualité existante en la qualité contraire ? Et encore, laquelle de ces deux choses est la plus aisée ou de bâtir une maison là où il n’y en a jamais eu, ou de relever des ruines ? Évidemment, c’est la première. Concluons donc que le difficile ou même l’impossible ce n’est pas de créer bon ce qui n’existe pas, mais de faire que ce qui est essentiellement mauvais devienne bon.
5. Dites-moi encore lequel est le plus difficile de composer un parfum, ou de forcer la fange à prendre les propriétés du parfum ? Et puisque nous soumettons les œuvres de Dieu à nos faibles raisonnements, (vous, du moins, car pour moi je m’en défends), répondez-moi n’est-il pas plus facile de former l’œil que de faire qu’un aveugle voie, tout en demeurant aveugle, et voie mieux que celui qui a les meilleurs yeux, que de se servir de la cécité pour opérer la vue, de la surdité pour produire l’audition ? Évidemment, la première chose est plus aisée. Eh bien ! vous accordez à Dieu le plus difficile, et vous lui refusez le plus facile 1 Mais pourquoi insister sur cette question ? Nos contradicteurs disent encore que nos âmes sont une portion de la substance divine. Quel langage impie et extravagant ! Ils veulent prouver que Dieu est l’auteur du mal, et ils ne profèrent qu’un horrible blasphème. Car ils font le mal coéternel à Dieu, à qui ils refusent toute existence antérieure. Ainsi ils ne rougissent point d’admettre le mal en partage d’une si haute prérogative.
Mais en second lieu, le mal, selon eux, est immortel ; car ce qui n’a pas eu de commencement, ne saurait avoir une fin. Entendez-vous ce blasphème ? Il faut donc nécessairement admettre que rien, ne vient de Dieu, ou dire que lui-même n’existe pas. Mais, en troisième lieu, comme je l’ai déjà observé, c’est là une contradiction flagrante, et qui ne peut qu’attirer la malédiction divine. En quatrième lieu, ils attribuent à une matière variable la puissance la plus absolue. En cinquième lieu, ils affirment que le mal est cause que Dieu est bon, en sorte que, sans le principe mauvais, la bonté divine n’existerait point. En sixième lieu, il nous ferment toute voie pour arriver à la connaissance de Dieu. Septièmement enfin, ils abaissent Dieu jusqu’à l’homme ; que dis-je ? jusqu’au bois et à la plante. Et en effet, si notre âme est une portion de la substance divine, et si elle passe dans le corps des animaux,