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dans ses mains. Mais il n’en est pas ainsi des biens spirituels : semblables à une pierre précieuse, de quelque côté qu’on les tourne et qu’on les regarde, ils réjouissent la vue.
Donnons-en un exemple : quelqu’un a fait l’aumône, non seulement il s’entretient de l’espérance des biens futurs, mais encore jouit des biens de cette vie, toujours plein de confiance et d’assurance dans toutes ses actions. Les mauvais désirs de la concupiscence ont perdu tout empire sur lui : avant même d’être mis en possession du royaume éternel, dès ce monde il recueille le fruit de son aumône, dans le bien qu’on dit de lui, dans les louanges qu’on lui donne, et surtout dans le bon témoignage que lui rend sa propre conscience. Et il en est ainsi de toutes les autres bonnes œuvres ; au contraire, les mauvaises, avant de nous précipiter dans l’enfer, font le supplice de notre conscience. Si, lorsque vous avez péché, vous pensez à l’avenir, encore que personne ne punisse votre faute, vous êtes dans des alarmes et des frayeurs perpétuelles ; si vous pensez au présent, vous ne voyez que des ennemis : mille soupçons vous agitent, vous vivez dans la défiance, et vous n’osez plus regarder en face ceux qui vous ont fait du mal : que dis-je ? ceux mêmes qui ne vous en ont pas fait. Vous n’avez pas tant de plaisir à voir les hommes que de chagrin et de peine : au dedans, les reproches et les cris de la conscience ; au-dehors, les hommes qui vous condamnent : la colère d’un Dieu, un enfer ouvert, prêt à vous engloutir : ces pensées ne vous laissent aucun repos.
Oui, c’est un lourd, un lourd et incommode fardeau que le péché : le plomb même est moins fatigant à porter. Celui que sa conscience accuse, quelque endurci qu’il soit, ne peut pas même lever les yeux. Ainsi Achab, ce prince impie (1R. 21,27), pour avoir senti l’amertume et le poids du crime, marchait la tête baissée, extrêmement contrit et humilié ; voilà pourquoi il se couvrait d’un sac et versait des torrents de larmes. Si nous faisons de même, si nous pleurons comme lui, comme Zachée nous nous dépouillerons de nos injustices et de nos péchés, nous en obtiendrons le pardon. Comme c’est en vain qu’on applique des remèdes aux tumeurs et aux fistules, si l’on n’arrête l’épanchement de l’humeur, qui cause la plaie et l’augmente tous les jours ; nous, de même, si nous n’écartons pas nos mains de l’avarice, si nous n’arrêtons pas le cours de cette cruelle maladie, quand bien même nous ferions l’aumône, tous nos efforts demeureront inutiles : parce que l’avarice étouffe et détruit tout le bien que l’aumône a produit, et fait à l’âme une blessure plus grande et plus dangereuse que la première.
Mettons fin d’abord à nos rapines, et alors nous ferons l’aumône. Si nous nous jetons nous-mêmes dans les précipices, comment pourrons-nous ensuite nous en tirer ? Si nous sommes sur le point de tomber, et que d’un côté quelqu’un nous retienne (telle est la vertu de l’aumône), tandis qu’un autre bras nous entraînera dans l’abîme, quelle sera l’issue de ce combat ? Que nous serons déchirés et mis en pièces. Pour éviter un pareil malheur, et de peur que le poids de l’avarice, en nous entraînant dans le gouffre, ne réduise l’aumône à nous abandonner, déchargeons-nous de tout ce qui nous peut embarrasser, afin que, parvenus à la perfection par les bonnes œuvres et la fuite du mal, nous obtenions les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, avec le Père et le Saint-Esprit, appartiennent la gloire, l’honneur, l’empire, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. FIN DU COMMENTAIRE SUR L’ÉVANGILE DE SAINTJEAN.