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pour l’effrayer, mais pour l’encourager. Il connaissait son amour, et qu’il se porterait de bon cœur à la mort ; mais en même temps, il lui déclare de quelle manière il mourra. Pierre désirant continuellement de s’exposer au péril et de donner sa vie pour Jésus-Christ, le Sauveur lui dit : ayez confiance, je remplirai votre désir de manière que la mort que vous n’avez point soufferte étant jeune, vous la souffrirez lorsque vous serez vieux.
L’évangéliste ensuite, pour réveiller l’auditeur et le rendre plus attentif, a ajouté « Or, il disait cela pour marquer par quelle mort il devait glorifier Dieu (19) ». Il n’a point dit : Il devait mourir, mais : « Il devait glorifier Dieu », afin de vous apprendre que de souffrir pour Jésus-Christ, c’est une gloire et un honneur. « Et après « avoir ainsi parlé, il lui dit : Suivez-moi ». Par ces paroles, saint Jean fait connaître que le Sauveur avait un grand soin de Pierre, et un grand amour pour lui. Que si quelqu’un dit : Pourquoi donc saint Jacques a-t-il été élevé sur la chaire de Jérusalem ? Je répondrai que si Pierre ne fut point élevé sur cette chaire, c’est que Jésus-Christ l’établit pour être le docteur de tout le monde. « Pierre s’étant retourné, vit venir après lui le disciple que Jésus aimait, qui, pendant la cène, s’était reposé sur son sein (20) », et dit à Jésus : « Et celui-ci, Seigneur, que deviendra-t-il (21) ? »
2. Pour quelle raison l’évangéliste rappelle-t-il qu’il s’était reposé sur le sein du Seigneur ? Ce n’est pas sans sujet, c’est pour montrer combien était grande la confiance que Pierre, après son renoncement, avait en son Maître. Car c’est Pierre, celui-là même qui n’osait alors interroger, et qui faisait signe à un autre de le faire pour lui, qui reçoit alors le gouvernement de ses frères, et qui non seulement ne confie plus ses intérêts à un autre, mais qui même interroge son Maître sur le sort d’autrui. Jean reste dans le silence ; lui il parle, il interroge. Enfin, l’évangéliste fait aussi connaître l’amour que Pierre avait pour lui, car Pierre aimait beaucoup Jean comme la suite de l’histoire le fait voir : et cette étroite amitié se montre à découvert et dans tout l’Évangile, et dans les actes des Apôtres.
Comme donc le Seigneur avait annoncé de grandes choses à Pierre, comme il lui avait confié le gouvernement du monde, lui avait prédit le martyre qu’il devait souffrir, lui avait donné : de plus grands témoignages d’amour qu’à ses autres disciples, Pierre désirant de faire participer Jean à toutes ces grâces, dit : « Et celui-ci, Seigneur, que deviendra-t-il ? » Ne marchera-t-il pas dans la même voie que nous ? Et de même que dans le temps qu’il n’osait interroger, il avait engagé Jean à le faire pour lui, ainsi maintenant il lui rend la pareille ; et, pensant bien que ce disciple aurait voulu demander à son Maître ce qu’il deviendrait et qu’il ne l’osait pas, il le demande lui-même. Que répondit dons Jésus-Christ ? « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que vous importe (22) ? » Pierre faisait cette demande par le grand amour qu’il avait pour Jean et parce qu’il souhaitait de ne point se séparer de lui ; et Jésus-Christ, pour lui faire connaître que quelque grand que fût son amour pour son confrère, il ne pouvait pas néanmoins atteindre au sien, lui répond : « Si je veux[1] qu’il demeure, que vous importé ? » Par là le Seigneur nous apprend que nous ne devons nous inquiéter, ni curieusement chercher à pénétrer au-delà de ce qu’il lui plaît de nous découvrir. Il fit donc cette réponse à Pierre pour réprimer son feu, parce qu’il était toujours ardent, toujours prêt à faire de semblables questions ; et pour nous montrer aussi que nous ne devons point tant interroger, ni tenter de connaître ses desseins et de les approfondir.
« Il courut sur cela un bruit parmi les frères », c’est-à-dire, parmi les disciples, « que celui-ci ne mourrait point. Jésus, néanmoins, n’avait pas dit : Il ne mourra point, mais : si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que vous importe (23) ? » Ne pensez pas, dit le Seigneur, que je veuille disposer de vous tous d’une même manière ; il avait en vue, en disant cela, leur attachement mutuel. Comme ils devaient bientôt être chargés du soin de toute la terre, il ne fallait pas qu’ils s’attachassent ainsi les uns aux autres, ce qui aurait été très-préjudiciable au monde. C’est pourquoi le Sauveur dit à Pierre : Je vous ai confié une grande charge, donnez-y tous vos soins, remplissez-en les devoirs, combattez, luttez. Et que vous importe, si je veux que

  1. « Si je veux » C’est la leçon grecque confirmée par plusieurs manuscrits, et suivie de beaucoup de Pères et d’interprètes. La Vulgate dit : « Je veux qu’il demeure ainsi, etc. »