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pire est que nous n’avons point horreur de faire ce que nous frémissons d’entendre. Nous jurons à la légère, nous nous parjurons, nous ravissons le bien d’autrui, nous prêtons à usure, nous négligeons la continence, nous nous dispensons des règles prescrites a la prière, nous transgressons la plus grande partie des commandements, il n’est rien que nous ne tentions pour amasser de l’argent ; nous n’y épargnons ni notre corps, ni notre santé. Celui qui aime l’argent, l’avare, fera toutes sortes de maux à son prochain, et il s’en fera à lui-même. Facilement il se mettra en colère, il dira des injures, il appellera son frère fou, il jurera, il se parjurera ; il n’observera ni règles ni mesure, il ne gardera même pas les préceptes, de l’ancienne loi ; celui, qui aime l’or mimera point son prochain. Et cependant, pour acquérir le royaume des cieux, il faut que nous aimions même nos ennemis. Si donc pour entrer dans ce royaume, il ne nous suffit pas de garder les anciens préceptes, s’il faut que notre justice soit plus abondante que celle des Juifs (Mt. 5,20) ; nous qui violons, et nos commandements et les anciens, quelle excuse aurons-nous, sur quoi nous justifierons-nous ? Celui qui aime l’argent, non seulement n’aimera point ses ennemis, mais encore il traitera ses amis comme ses ennemis.
4. Et que dis-je ; ses amis ? Souvent l’avare méconnaît et méprisé jusqu’aux droits de la nature ; la parenté, les liens du sang, il n’en connaît point ; l’amitié, il l’oublie ; l’âge, il ne le respecte point ; l’ami, il n’en a point ; mais il est ennemi de tout le monde, et principalement de soi ; non seulement parce qu’il perd son âme, mais encore parce qu’il est son propre bourreau, qu’il se livre à mille inquiétudes, à mille peines, à mille afflictions. Il entreprendra de longs voyages, il s’exposera aux périls, aux embûches, à tout, pour fomenter et accroître son mal, pour avoir à compter beaucoup d’or et d’argent. Est-il rien de pire, est-il une : plus cruelle maladie ? Il se prive de boire et de manger, il se prive de tous ces plaisirs et de toutes ces voluptés pour lesquelles les hommes ont coutume de commettre tant d’excès et de péchés ; et il se prive encore de la gloire et de l’honneur. En effet, l’avare tient presque tous les hommes pour suspects, il est environné d’un nombre considérable d’accusateurs, d’envieux, de calomniateurs, et de gens qui lui dressent des embûches. Ceux qu’il maltraite injustement le haïssent pour le tort et le mal qu’il leur a fait ; ceux qui n’ont pas à se plaindre de lui craignent de devenir ses victimes à leur tour et touchés de compassion pour ceux qu’il a endommagés et ruinés, ils entrent dans leurs plaintes et leurs querelles. Les grands, ceux qui lui sont supérieurs en puissance, et parce qu’ils ont pitié des petits, et parce qu’ils lui portent envie, le haïssent et lui font la guerre. Et pourquoi parler des hommes ? quelle espérance, quelle consolation, quelle ressource peut rester à celui qui s’attire l’inimitié et la colère de Dieu ?
De plus, celui qui aime l’argent né pourra jamais se résoudre à s’en servir ; il en sera le gardien et l’esclave, et non le maître. S’étudiant à en amasser toujours davantage, il craindra de sacrifier la plus petite somme ; il se refusera : la moindre dépense, et il sera le plus pauvre de tous les pauvres ; car rien ne saurait arrêter sa cupidité. Mais l’argent n’est point fait pour être gardé dans un coffre, il est fait pour que l’on s’en serve. Si, pour lé cacher aux autres, nous l’enfouissons en terre, est-il rien de plus misérable que nous, qui courons de côté et d’autre pour amasser cet argent, afin de l’enfermer ensuite et de le soustraire à l’usage commun ? Mais il y a encore une autre grande maladie qui ne cède point à celle-là. Si ces hommes enfouissent leur argent dans la terre, il en est d’autres qui l’engloutissent dans leur ventre, dans la bonne chère, dans l’ivrognerie et se préparent un double châtiment par l’injustice mêlée à la débauche. Les uns mangent leurs biens avec les parasites et avec les flatteurs ; les autres le dissipent au jeu et avec les femmes de mauvaise vie ; d’autres en de semblables dépenses ; par là, s’étant une fois écartés du droit chemin, et ayant abandonné la voie qui mène au ciel, ils s’ouvrent mille portes qui les conduisent dans l’enfer. Et cependant celui qui y entre, dans cette voie qui mène au ciel, ne se procure pas seulement un plus grand bien, mais encore de plus grands plaisirs que les autres. Car celui qui donne son bien aux femmes débauchées se rend ridicule et infâme, il s’attire bien des guerres et jouit d’un plaisir fort court ; ou plutôt il n’en jouit même pas, de ce court plaisir, puisque quelque argent qu’il