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L’évangéliste, voulant ensuite vous révéler que Jésus n’avait fait ces miracles qu’en faveur de ses disciples, a encore ajouté « Afin qu’en croyant, vous ayez la vie éternelle a en son nom (31) » ; parlant généralement à tous les hommes, pour vous faire connaître que ce n’est pas lui, mais nous qui profitons de la foi qu’il nous inspire en lui-même. « En son nom », c’est-à-dire par lui ; car il est lui-même la vie.

« Jésus se fit voir encore depuis à ses disciples sur le bord de la mer de Tibériade ». (Chap. 21,1) Ne voyez-vous pas, mes frères, que Jésus-Christ n’est pas longtemps avec ses disciples, et qu’il ne demeure pas avec eux comme auparavant ? Il leur apparut le soir, et aussitôt il disparut : huit jours après il leur apparaît encore et disparaît de nouveau. Ensuite il se fit voir sur le bord de la mer, et les disciples eurent une grande frayeur. Que signifie ce mot : « Il se fit voir ? » Par là on connaît parfaitement que ce n’est que par bonté et par condescendance que Jésus se fit voir, son corps étant alors incorruptible et immortel. Mais pourquoi l’évangéliste a-t-il nommé le lieu ? C’est pour montrer que le Seigneur avait déjà en grande partie dissipé la crainte de ses disciples ; en sorte qu’ils commençaient à sortir de leur maison. Mais ils étaient allés en Galilée, pour éviter le péril, pour se soustraire à la fureur des Juifs.

« Simon Pierre fut donc pêcher (3) ». Comme Jésus-Christ n’était pas souvent avec ses disciples, comme les disciples n’avaient pas encore reçu le Saint-Esprit, ni aucune fonction, ni aucun ministère, ni rien à faire, ils étaient retournés à leur profession. « Simon Pierre, et Thomas, et Nathanaël que Philippe avait appelé, et les fils de Zébédée, et deux autres étaient ensemble (2) ». N’ayant donc rien à faire, ils furent pêcher, et de nuit, parce qu’ils étaient toujours dans la crainte et dans la frayeur. Saint Luc marque la même chose : il ne la rapporte pas dans les mêmes termes, mais il l’insinue par ce qu’il dit. Les autres disciples les suivaient, étant inséparablement unis ensemble et voulant aussi voir la pêche et jouir agréablement de ce moment de loisir et de repos. Ils se mettent donc à travailler, et comme ils étaient dans l’embarras, Jésus parut. Il ne se fit point connaître d’abord, pour les engager à lui parler plus librement, et il leur dit : « N’avez-vous rien à manger (5) ? » Le Seigneur parle encore d’une manière humaine, comme s’il eût voulu acheter d’eux quelques poissons. Les disciples ayant répondu non, Jésus leur dit : jetez le filet au côté droit : ils le jetèrent, et ils prirent beaucoup de poissons. Mais l’ayant reconnu, ses disciples, Pierre et Jean reprirent alors chacun son propre caractère. Pierre était plus bouillant, Jean avait l’esprit plus élevé : celui-là était plus prompt, celui-ci plus éclairé. C’est pourquoi Jean reconnut le premier Jésus ; Pierre vint à lui le premier ; et en effet, ils avaient sous les yeux de grands prodiges ; lesquels ? Premièrement, cette prodigieuse quantité de poissons qu’ils avaient pris ; en second lieu, la résistance du filet qui ne s’était pas rompu ; et encore : qu’avant d’être descendus à terre, ils trouvèrent des charbons allumés, et du poisson mis dessus, et du pain (9). Car en cette occasion Jésus-Christ ne se servit pas de matière toute créée, comme il avait coutume de le faire avant sa mort, par une certaine condescendance.

Aussitôt donc que Pierre eut reconnu son Maître, il laissa tout, et les poissons et les filets, et remit promptement sa ceinture : vous voyez son respect, son amour. Et quoiqu’ils fussent éloignés de terre de deux cents coudées, son impatience ne lui permit pas d’aller le trouver avec sa barque, mais il vint à la nage. Que dit donc Jésus à ses disciples ? « Venez, dînez. Et nul d’eux n’osait lui demander : qui êtes-vous (12) ? » Ils n’osaient pas alors lui parler avec cette assurance, et cette même liberté qu’ils avaient auparavant, ils ne lui adressaient pas de questions ; mais ils restaient assis en silence avec beaucoup de crainte et de respect, et écoutaient attentivement ce qu’il disait : « Car ils savaient que c’était le Seigneur ». C’est pourquoi ils ne lui demandaient pas : « Qui êtes-vous ? » Et voyant une autre forme qui les remplissait de terreur, ils étaient extrêmement étonnés ; ils auraient bien voulu lui faire quelques questions à ce sujet : mais, et parce qu’ils craignaient, et parce qu’ils savaient que ce n’était point un autre que lui-même, ils ne l’interrogèrent point, et ils mangeaient seulement ce qu’il avait créé pour eux avec un surcroît de puissance. En effet, dans cette création, le Seigneur ne leva point les yeux au ciel, il ne descendit pas comme auparavant à des démarches humaines, montrant par là qu’il ne les avait faites