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Les disciples s’en retournèrent donc chez eux, et Marie demeura auprès du sépulcre : la seule vue du tombeau la consolait, comme je l’ai dit. Vous voyez de même qu’elle se baissait pour regarder dedans, et que de voir seulement le lieu où avait été le corps, c’était pour elle un surcroît de consolation ; c’est pourquoi son ardeur et son zèle furent bien récompensés. Elle eut l’avantage de voir la première ce que les disciples ne virent point, de voir deux anges vêtus de blanc assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds ; la seule vue de ce vêtement lui inspirait de la joie et du plaisir. Et comme cette femme n’avait pas l’intelligence assez élevée pour tirer des linceuls et du suaire la preuve de la résurrection, le Seigneur fit quelque chose de plus, il lui fit voir des anges assis, vêtus d’habits de fête et de réjouissance, pour la consoler et l’encourager par ce spectacle.

Ces anges ne lui parlent point de la résurrection, mais elle est peu à peu amenée à la connaissance de cette vérité. Elle vit un vêtement brillant, elle entendit une voix consolante ; et que dit cette voix ? « Femme, pourquoi pleurez-vous (13) ? » Toutes ces circonstances furent pour elle comme une porte ouverte, par où elle en vint insensiblement à parler de la résurrection. La posture même de ces anges assis la portait à les interroger, car ils paraissaient savoir ce qui s’était passé. Voilà pourquoi ils n’étaient point assis ensemble, mais à quelque distance l’un de l’autre. Et comme il n’était pas croyable qu’elle les eût osé interroger la première, les anges la prévinrent et l’invitèrent à s’entretenir avec eux et par leur interrogation et par leur attitude. Que répondit donc Marie ? Elle dit avec autant d’ardeur que d’amour : « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis ». Marie, que dites-vous ? Vous ne savez rien encore de la résurrection ; vous vous imaginez qu’on a pris le corps, qu’on l’a caché ? Ne voyez-vous pas bien, mes frères, que cette femme n’était point encore initiée à ce dogme sublime ?

« Ayant dit cela, elle se retourna (14) ». Quelle est la suite de tout cela ? Marie parlé avec les anges, elle n’en a rien appris encore, et incontinent elle se retourne. Pour moi, il me semble que comme elle prononçait ces paroles Jésus-Christ apparut tout à coup derrière elle, que les anges eurent quelque frayeur, et qu’ayant reconnu le Seigneur ils marquèrent aussitôt, et par leur regard et par leur mouvement, qu’ils le voyaient, ce qui fit que Marie se tourna. Le Seigneur apparut donc visiblement aux anges, mais il ne se montra pas de même à cette femme, de peur de l’effrayer dans cette première vision. Il ne se fit voir que sous un habit fort vil et fort commun ; ce qui le prouve, c’est qu’elle le prit pour un jardinier. Au reste, il n’était pas à propos d’élever tout à coup à la sublime connaissance de la résurrection une femme qui avait l’esprit et des sentiments si bas et si grossiers ; il fallait l’y amener peu à peu. Jésus-Christ l’interrogea donc de nouveau, et lui dit : « Femme, pourquoi pleurez-vous ? Qui cherchez-vous (15) ? » Cela lui montra que Jésus-Christ savait qu’elle voulait l’interroger, et l’engagea à le faire. Comprenant cela, Marie ne nomma plus Jésus ; mais comme si cet homme eût connu celui dont elle s’informait, elle répondit : « Si c’est vous qui l’avez enlevé, dites-moi où vous l’avez mis, et je l’emporterai ». Marie dit encore : « Où vous l’avez mis, si vous l’avez enlevé », comme si Jésus était entre les morts. Mais voici ce qu’elle veut dire : Si par la crainte que vous avez des Juifs vous l’avez ôté d’ici, dites-le-moi et je l’emporterai.

Cette femme a une grande affection et un grand amour, mais elle n’a encore rien de grand dans l’esprit ; c’est pourquoi Jésus se fait connaître à elle, non au visage, mais au son de la voix. Comme quelquefois il se faisait connaître aux Juifs, et quelquefois aussi il ne se faisait point connaître, quoique présent à leurs yeux ; de même, quand il parlait, il dépendait de lui de se rendre reconnaissable. Ainsi lorsqu’il a dit aux Juifs : « Qui cherchez-vous ? » il ne s’est fait connaître ni au visage ni à la voix, que lorsqu’il l’a bien voulu ; et c’est ce qu’il fait encore ici, où il se contente d’appeler Marie par son nom, lui reprochant les sentiments qu’elle a de sa personne, et la reprenant de le croire mort, lui qui est vivant. Mais comment dit-elle « s’étant tournée (16) » ; car c’est à elle que Jésus parlait ? Je pense que lorsqu’elle disait : « Où l’avez-vous mis ? » elle s’était tournée vers les anges pour leur demander le sujet de leur frayeur ; qu’ensuite Jésus l’appelant, elle se tourna vers lui, et qu’il se fit reconnaître d’elle au son de la voix.