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mais de la vanité. Vous voulez lui marquer votre compassion ? Je vais vous montrer des funérailles d’une autre espèce, et vous apprendre comment vous le couvrirez de vêtements qui le rendront illustre : de vêtements que ni les vers, ni le temps ne consumeront point, et que les voleurs n’emporteront point. Quels sont-ils ? C’est le manteau de l’aumône ; ce manteau ressuscitera avec lui : l’aumône demeure imprimée comme un sceau. Ils brilleront par leurs vêtements, ceux à qui, en ce jour redoutable, on dira : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ». Ce sont là les vêtements qui rendent célèbres et illustres ceux qui en sont revêtus : ce sont là les vêtements qui nous mettent en sûreté. Ceux que l’on fait maintenant sont une vaine et folle dépense, qui ne sert qu’à nourrir les teignes et les vers.
Encore une fois, je ne dis point ces choses pour empêcher les funérailles, mais seulement je veux que vous n’excédiez point les bornes, que vous vous contentiez de couvrir le corps et de ne point le mettre nu en terre. S’il est prescrit à ceux mêmes qui vivent d’avoir uniquement de quoi se couvrir, c’est la même chose, à plus forte raison, pour les morts. En effet, un mort n’a pas tant de besoin de vêtements qu’un homme qui vit et qui respire. Lorsque nous vivons, les habits nous sont nécessaires, tant pour le froid que pour la pudeur : les morts, exempts de ces nécessités, demandent seulement que leur corps ne soit pas mis nu dans la terre : sans compter qu’ils sont déjà très-bien couverts par la terre elle-même, linceul parfaitement approprié à leur nature. Si donc, ici – bas même, où nous sommes sujets à tant de besoins et de nécessités, il ne faut rien rechercher de superflu ; à bien plus forte raison, là où il n’y en a point autant, la vanité et le faste sont-ils blâmables et hors de propos.
6. Mais, direz-vous, si on le voit, si on le sait, on rira, on se moquera de nous. Certes, il ne faut point tant se soucier de ces ris, que de l’extrême folie des rieurs. Et croyez-moi, il se trouvera plutôt bien des gens qui nous admireront, et qui loueront notre philosophie et notre vertu. Ce n’est point là ce qui est digne de risée, mais c’est ce que nous faisons : nos excès, nos pleurs, nos gémissements, s’ensevelir avec les morts, voilà ce qui est digne des ris et du supplice. Mais philosopher, mais se conduire par la raison et dans le deuil et dans la manière de vêtir les morts, c’est sûrement ce qui nous procurera des couronnes et des louanges. Tous nous applaudiront, tous admireront la vertu de Jésus-Christ, et diront : Ah ! combien est grand le pouvoir de Jésus-Christ ! Il a persuadé à ceux qui doivent nécessairement mourir que la mort n’est point une mort voilà pourquoi ils n’agissent point comme créatures périssables, mais comme s’ils envoyaient les leurs les précéder dans un meilleur séjour. Il leur a persuadé que ce corps corruptible et terrestre sera revêtu de l’incorruptibilité, parure bien plus précieuse que les habits d’or et de soie. Et c’est pour cela qu’ils ne s’attachent pas à faire de si pompeuses funérailles, regardant une bonne vie comme le plus somptueux des enterrements.
Voilà ce qu’ils diront, s’ils nous voient philosopher de la sorte et nous conduire avec sagesse : mais s’ils nous voient tristes et abattus, s’ils apprennent que nous menons autour du corps une troupe de pleureuses, ils se riront de nous, ils nous diffameront, ils nous diront des injures, et ils blâmeront la vaine et superflue dépense que nous faisons. Car c’est là sur quoi tous s’écrient et nous font des reproches, et certes ils ont raison. En effet, où peut être notre excuse, quand nous parons un corps que la pourriture et les vers vont consumer, et qu’au contraire nous négligeons, nous méprisons Jésus-Christ qui a soif, qui est nu dans ces rues, et sans logement ? Cessons donc de nous donner ces soins et ces peines superflues : ensevelissons les morts, mais de manière que, et dans eux et dans nous, cela tourne à la gloire de Dieu. Répandons pour eux de grandes aumônes, munissons-les de bonnes provisions pour leur voyage. Si la mémoire des grands hommes qui sont morts est utile et avantageuse à ceux qui vivent (car le Seigneur dit : « Je protégerai cette ville à cause de moi et de mon serviteur David ») (2R. 19,34), à plus forte raison l’aumône attirera-t-elle ces avantages et cette protection aux morts. En effet, l’aumône, oui, l’aumône ressuscite les morts : c’est elle qui a ressuscité Dorcas (Act. 9,36, 39), lorsque les veuves, entourant saint Pierre, lui montrèrent les habits que ses mains leur avaient faits.
Lors donc que quelqu’un est près de mourir, que son plus proche parent prenne soin de ses funérailles ; qu’il conseille au mourant