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sont initiés, ceux qui ont reçu le saint baptême, entendent bien ce que je dis : eux qui ont été régénérés par l’eau, et qui sont nourris de ce sang et de cette chair. C’est de cette heureuse et féconde source que coulent nos mystères et nos sacrements, afin que, lorsque vous approcherez de notre redoutable coupe, vous y veniez de même que si vous deviez boire à ce sacré flanc.
« Celui qui l’a vu en rend témoignage, et a son témoignage est véritable (35) ». C’est-à-dire, je ne l’ai pas appris des autres, mais je l’ai vu de mes yeux, étant présent, et mon témoignage est véritable. Rien de plus juste : ce disciple raconte l’outrage qu’on a fait à son Maître ; il ne vous rapporte pas quelque chose de grand et d’admirable que vous puissiez révoquer en doute et soupçonner de faux ; mais, considérant le trésor que renferment et produisent ces sources, il fait en détail le récit de ce qui s’est passé : par où il ferme la bouche aux hérétiques ; il prédit et annonce les mystères qui doivent s’opérer dans la suite. De même, cette prophétie : « Ils ne briseront aucun de ses os (36 ; Ex. 12,46) », a trouvé son accomplissement. Car, quoique cela ait été dit de l’agneau de la pâque des Juifs, ce n’était là pourtant qu’une figure destinée à précéder la vérité, à la prédire, et qui a eu son parfait accomplissement en Jésus-Christ : c’est pourquoi l’évangéliste cite la prophétie. Dans la crainte que s’il s’était donné partout pour témoin, il n’eût pas paru digne de foi, il apporte le témoignage de Moïse, pour insinuer que cela ne s’est point fait par hasard, mais que longtemps auparavant il avait été prédit dans l’Écriture, où il est dit : « Vous ne briserez aucun de ses os ». Et en même temps il donne une autorité nouvelle à la parole du prophète : j’ai rapporté ces choses, dit-il, pour vous apprendre et vous faire connaître qu’il y a un grand rapport et une grande liaison entre la figure et la vérité. Ne voyez-vous pas, mes frères, quelles mesures, quelles précautions prend ici l’évangéliste, pour faire croire ce qui paraît honteux et ignominieux ? Car, qu’un soldat eût fait un outrage à ce corps, c’était quelque chose de pire et de beaucoup plus infamant que de l’avoir attaché à une croix ; et néanmoins, je l’ai rapporté, et avec beaucoup de soin, « afin que vous le croyiez ». Que personne donc ne refuse de le croire ; que la honte ne pousse personne à rejeter ce témoignage, au détriment de notre cause. Car ce qui paraît le plus honteux et le plus ignominieux, est ce qui nous élève à une plus grande gloire, et la, source de tous les biens que nous recevons.
« Après cela vint Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus (33) ». Non des douze, mais peut-être des soixante-dix. Ces disciples, croyant que la croix avait apaisé la haine et la colère des Juifs, furent librement demander le corps à Pilate, et eurent soin de l’ensevelir. Joseph fut donc trouver Pilate ; il le pria de lui permettre d’enlever le corps de Jésus, et Pilate lui accorda cette grâce ; pourquoi la lui aurait-il refusée ? Alors Nicodème se joignit à Joseph d’Arimathie, et l’aida à détacher et à porter le corps, et ils l’ensevelirent avec magnificence. Car ils ne voyaient encore en Jésus-Christ rien autre chose qu’un homme. Ils mirent le corps dans des linceuls avec des aromates des plus forts et des plus précieux, tels qu’ils pouvaient sûrement le conserver longtemps, et l’empêcher de se corrompre aussitôt ; en quoi ils montraient bien qu’ils n’avaient pas de lui cette haute opinion qu’ils en devaient avoir ; mais, néanmoins, ils lui donnaient des marques d’un grand amour.
Mais pourquoi aucun des douze ne fut-il à cette sépulture, ni Jean ni Pierre, ni aucun autre des plus remarquables ? Le disciple qui a écrit cette histoire ne le cache point. Si l’on dit que c’est par crainte des Juifs, on répondra que ceux-ci les craignaient aussi : l’évangéliste rapporte de Joseph qu’il était disciple de Jésus, mais en secret, parce qu’il craignait les Juifs. Et l’on ne saurait dire qu’il agit de la sorte par mépris pour les Juifs, puisque nous voyons au contraire qu’il ne vint pas sans crainte. Mais Jean lui-même, qui s’était tenu debout auprès de la croix de son Maître, et qui l’avait vu expirer, ne parut point et ne fit rien de semblable : que faut-il donc dire ? 11 me semble que Joseph était des plus qualifiés et des plus illustres d’entre les Juifs, comme il y paraît par la dépense qu’il fit pour ces funérailles : qu’il était connu de Pilate, et que c’est pour cela qu’il obtint le corps et qu’il l’ensevelit, non comme un condamné, mais comme les Juifs avaient coutume d’ensevelir un grand et une personne de considération.