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même que les vainqueurs portent les marques de leur victoire, ainsi le Sauveur portait sur ses épaules le symbole de son triomphe. Et qu’importe à la vérité que ce soit dans d’autres vues que les Juifs aient chargé Jésus-Christ de la croix ? cela n’y change rien.
Ils le crucifièrent avec deux voleurs ; accomplissant malgré eux la prophétie, car ce que faisaient les Juifs pour couvrir Jésus d’ignominie, servait à montrer la vérité et à vous faire mieux connaître et sa force et sa vertu. En effet, longtemps auparavant le prophète avait prédit ces choses : « Il a été mis », dit-il, « au nombre des scélérats ». (Is. 53,12) Le démon a donc voulu obscurcir le triomphe du Sauveur, mais il ne l’a pu ; des trois qui ont été crucifiés en même temps, Jésus seul a brillé, pour vous apprendre que c’est sa vertu qui a tout fait. Trois on été crucifiés, il s’est fait des miracles, mais nul de ces miracles n’a été attribué à d’autre qu’à Jésus ; tant étaient faibles les embûches et les artifices du diable, qui se sont entièrement tournés à sa honte et à sa confusion ; puisqu’un de ceux mêmes qui ont été crucifiés avec Jésus-Christ a obtenu le salut ! Donc, non seulement le crucifiement de ces voleurs n’a point terni la gloire de Jésus crucifié avec eux, mais au contraire il n’a pas peu contribué à la relever. Il n’était ni moins grand ni moins admirable de convertir un voleur, étant attaché sur une croix, et de le faire entrer dans le paradis, que de faire trembler le sol et de briser les pierres.
« Pilate fit une inscription (19) ». Il la fit tant pour punir les Juifs, que pour justifier Jésus-Christ. Les Juifs l’avaient livré entre ses mains comme un méchant, et s’étaient efforcés de faire prévaloir cette idée, en mettant Jésus-Christ dans la compagnie de ces voleurs. De peur que personne ne pût faire à Jésus ce reproche, et le traiter comme un méchant et un scélérat, Pilate par cette inscription leur ferma la bouche, ainsi qu’à tous ceux qui voudraient mal parler de lui ; et pour montrer qu’ils s’étaient soulevés contre leur propre roi, il fit écrire des paroles sur la croix comme sur un trophée, et des paroles qui se faisaient clairement entendre, qui publiaient hautement sa victoire et sa royauté, quoiqu’elles ne la fissent pas connaître tout entière. Au reste, cette inscription, Pilate ne la fit pas mettre en une, mais en trois différentes langues ; parce que, ne doutant point que la fête de Pâques n’eût attiré à Jérusalem des gens de toutes les nations, il voulut que personne n’ignorât cette justification ; et pour cela il flétrit la fureur des Juifs dans toutes les langues. Car les Juifs portaient encore envie à Jésus-Christ, après même qu’ils l’eurent fait crucifier.
Mais, ô Juifs, en quoi cette inscription pouvait-elle vous blesser ou vous nuire ? En rien. Si Jésus était mortel, faible, impuissant, et si la mort devait l’anéantir, pourquoi craigniez-vous une inscription portant qu’il était roi des Juifs ? Mais que disent-ils à Pilate ? « Ne mettez pas dans l’inscription : roi des Juifs, mais qu’il s’est dit roi des Juifs (21) ». Maintenant tout le monde pense et croit communément qu’il est roi des Juifs, mais ajoutez « Il s’est dit », ce sera l’accuser d’effronterie et d’insolence : et néanmoins Pilate ne changea point, mais il demeura ferme. Cette dispensation providentielle eut un effet d’une importance incomparable. Le bois de la croix fut caché dans la terre, et personne alors ne songeait à l’en tirer, soit par crainte, soit parce que les fidèles étaient occupés à d’autres affaires pressantes : cependant on devait un jour chercher cette croix, et les trois croix devaient être vraisemblablement enterrées ensemble ; de peur donc qu’on ne fût dans le doute et qu’on ne s’y méprît, la croix du Seigneur a été reconnue, premièrement, parce qu’elle était au milieu ; en second lieu, grâce à l’inscription, les croix des voleurs n’en ayant point.
Les soldats se partagèrent les vêtements, mais non pas la tunique. Remarquez encore ici, mes frères, que la méchanceté des Juifs et des soldats sert partout à l’accomplissement des prophéties. Ce qui se passe ici avait été prédit longtemps auparavant : d’ailleurs ils étaient trois crucifiés, mais les prédictions trouvent leur accomplissement en Jésus-Christ seul. Et, en effet, pourquoi les soldats et les Juifs ont-ils fait à Jésus-Christ, uniquement, ce qu’ils n’ont point fait aux autres ? Pour vous, mes frères, je vous prie de considérer l’exactitude de la prophétie. Le prophète ne dit pas seulement ce qu’ils ont divisé, mais encore ce qu’ils n’ont point divisé : ils ont divisé les vêtements, ils n’ont point divisé la tunique, mais ils l’ont jetée au sort.
2. Ce n’est pas sans raison qu’il est marqué que la tunique « était d’un seul tissu depuis