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tout perdre, tout exterminer, il ne le fit point, mais il dit des choses qui auraient pu amollir le cœur le plus féroce.
« Si j’ai mal parlé, faites voir le mal que j’ai dit (23) » ; c’est-à-dire, si vous pouvez trouver à reprendre dans mes paroles, montrez-le ; « si vous ne le pouvez pas, pourquoi me frappez-vous ? » Vous voyez ce jugement, mes frères, vous voyez ce tumulte, cette agitation, cette colère. Le grand prêtre interroge captieusement et avec fourberie. Jésus-Christ répond juste et sans détours. Quel parti fallait-il donc prendre ? Il fallait réfuter ou acquiescer. Mais on fait tout le contraire, et un ; valet frappe Jésus. Ainsi, ce n’était point là un jugement, c’était une émeute, une scène de violence. Ensuite, comme ils ne trouvent rien à reprendre en lui, « ils l’envoient lié à Caïphe (24). Cependant Pierre était debout près du feu et se chauffait (25) ». Ah ! combien peu a duré cette ardeur, cet emportement qu’il avait fait paraître au moment qu’on amenait Jésus ! Maintenant il ne bouge plus, il se chauffe ; cela vous montre, mes frères, que notre nature est bien faible et bien infirme, lorsque Dieu nous laisse à nous-mêmes. Et étant interrogé, il nie encore. Ensuite « un des gens du grand prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille », indigné de cette réponse, lui dit : « Ne vous ai-je pas vu dans le jardin (26) ? » Ce jardin ne lui rappela pas la mémoire de ce qu’il y avait fait, non plus que les témoignages d’amour qu’il y avait prodigués en paroles à son Maître : la crainte lui fit tout oublier.
Mais pourquoi les évangélistes s’accordent-ils tous dans le récit qu’ils font de ce renoncement ? Ce n’est point pour en faire un reproche à Pierre, mais pour nous apprendre que c’est un grand mal de ne mettre pas toute sa confiance en Dieu et de se confier en soi-même. Pour vous, mon cher frère, admirez la providence du Maître ; quoiqu’il soit arrêté et lié, il prend un grand soin de son disciple, puisque, par son seul regard, il le relève de sa chute et le porte à répandre des larmes.
« Ils menèrent donc Jésus de chez Caïphe à Pilate ». Et ils en usèrent, de cette manière, afin que la multitude des juges fît croire au peuple, même malgré lui, qu’ils avaient examiné et reconnu la vérité. « C’était le matin ». Avant le chant du coq, on le mena chez Caïphe, le matin chez Pilate ; par ces paroles, l’évangéliste fait voir que Caïphe, ayant interrogé Jésus depuis minuit jusqu’au matin, n’avait pu le convaincre d’aucun crime ; et c’est pour cela qu’il le renvoya à Pilate. Mais saint Jean laissant aux autres ces circonstances, nous fait le récit de ce qui suivit.
Remarquez, mes frères, la ridicule conduite des Juifs : ils ont pris un homme innocent, ils le conduisent avec des armes, et ils n’osent entrer dans le palais du gouverneur de peur de se souiller. Mais quelle est cette souillure d’entrer dans un palais où l’on punit les méchants ? « Ceux qui payaient la dîme de la menthe et de l’aneth » (Mt. 23,23 ; Lc. 11,42) ne croient pas se souiller en faisant mourir injustement l’innocent, et ils croient au contraire se rendre impurs, s’ils entrent dans un tribunal. Mais pourquoi ne le firent-ils pas mourir eux-mêmes et l’envoyèrent-ils à Pilate ? Leur puissance et leur autorité étaient déjà beaucoup diminuées, les Romains s’étant tous soumis. Et de plus, ils craignaient que Jésus ne les accusât d’injustice et qu’ils ne fussent punis.
Que veut dire ceci : « Afin de pouvoir manger la pâque ? » Jésus-Christ ne l’avait-il pas déjà célébrée un des jours des pains sans levain ? Ou l’évangéliste appelle la pâque toute la fête, ou bien ce jour-là les Juifs faisaient leur pâque ; mais Jésus-Christ l’avait faite le jour d’auparavant, destinant pour le jour de sa mort celui de la veille et de la préparation, auquel on célébrait autrefois la pâque. Mais taudis qu’ils portent des armes, ce qui n’était point permis, et qu’ils répandent le sang, ils se gardent soigneusement d’entrer dans ce lieu, et ils font appeler Pilate, qui, les étant venu trouver dehors, dit : « Quel est le crime a dont vous accusez cet homme (29) ? ».
4. Ne remarquez-vous pas, mes chers frères, combien ce gouverneur était étranger à leurs sentiments d’ambition et d’envie ? Voyant Jésus lié et traduit à son tribunal, il ne crut pas pour cela qu’on eût contre lui des chefs d’accusations certains et indubitables ; voilà pourquoi il interroge, pensant bien qu’il était absurde, qu’après l’avoir jugé eux-mêmes les premiers, ils ne vinssent à lui que pour lui demander le supplice et son arrêt de mort, sans nouveau jugement. Que répondirent donc les Juifs ? « Si ce n’était point un méchant, nous ne vous l’aurions pas livré entre les mains (30) ». O folie ! Pourquoi donc ne déclarez-