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ce lieu-là ». Et il ne se contente pas de vous le faire remarquer ; mais il dit encore que Judas le connaissait, « parce que Jésus y avait souvent été avec ses disciples ». Il y allait souvent avec ses disciples, pour les entretenir en particulier de choses nécessaires, que nul, excepté eux, ne devait entendre. Jésus se retirait sur des montagnes et dans des jardins, cherchant toujours les lieux éloignés du bruit et du tumulte, afin que rien ne pût distraire ses auditeurs de sa doctrine et de ses instructions.
« Judas ayant donc pris » avec lui « une compagnie de soldats, et des gens envoyés par les princes des prêtres et par les pharisiens, il vint en ce lieu (3) ». Plus d’une fois déjà, les princes des prêtres et les pharisiens avaient envoyé des gens pour le prendre, mais ils ne l’avaient pu. D’où il est visible que c’est volontairement qu’il se livra. Et comment purent-ils engager cette cohorte à faire une pareille action ? C’étaient des soldats toujours prêts à tout faire pour de l’argent. « Mais Jésus, qui savait tout ce qui lui devait arriver, vint au-devant d’eux, et leur dit : Qui cherchez-vous (4) ? » C’est-à-dire, ce n’est point par l’arrivée de ces gens-là, que Jésus apprit ce qu’on voulait faire de lui ; mais, sans se troubler, comme sachant tout, il s’avança, et leur parla, se comporta de la sorte. Pourquoi vinrent-ils avec des armes pour le prendre ? Ils craignaient le peuple qui avait coutume de le suivre ; et c’est aussi pour cela qu’ils vinrent de nuit. « Étant venu au-devant d’eux, il leur dit : Qui cherchez-vous ? Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth ». Ne voyez-vous pas cette puissance invincible ? il est au milieu d’eux, ils ne peuvent pas le voir, il les rend tous aveugles.
Que cela ne vint point des ténèbres de la nuit, l’évangéliste le montre assez, en disant qu’ils avaient des flambeaux ; mais quand même ils n’en auraient point eu, ils auraient pu le reconnaître à sa voix. Que si elle était inconnue aux soldats, comment l’aurait-elle été à Judas, qui était continuellement avec lui ? En effet, Judas était avec eux, et ne reconnut pas plus Jésus que les autres, il tomba avec eux à la renverse. Or, Jésus fit cela pour montrer que, quoiqu’il fût au milieu d’eux, non seulement ils ne pouvaient le prendre, mais même le voir, s’il ne le permettait.
« Il leur demanda encore une fois : Qui cherchez-vous (7) ? » O folie ! Jésus les a tous renversés par une seule parole, ils viennent d’éprouver sa redoutable puissance, et ils ne rentrent point en eux-mêmes, ils ne s’amendent point, ils poursuivent encore leur entreprise. Mais quand Jésus a fait ce qui était en lui, pour les détourner de leur dessein, alors, enfin il se livre à eux et leur dit : « Je vous ai déjà dit que c’est moi. Or, Judas qui le trahissait, était aussi là présent avec eux (8) ». Remarquez, mes frères, la modération de l’évangéliste : il ne maudit point le traître, il fait simplement le récit de ce qui s’est passé, ne s’attachant qu’à faire connaître qu’il n’est rien arrivé que par la permission, de Jésus. Mais, de peur qu’on ne prît de là occasion de dire que Jésus-Christ s’étant lui-même fait connaître et livré à eux, les avait poussés à commettre ce crime, il a fait d’abord tout ce qui les en pouvait détourner ; et comme ils persévéraient dans leur méchanceté, et qu’ils étaient sans excuse, alors seulement il s’est livré lui-même et il leur a dit : « Si c’est donc moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci », leur donnant jusqu’à la dernière heure des témoignages et des marques de sa bonté. Si c’est de moi que vous avez besoin, dit-il, qu’il n’y ait rien de commun avec ceux-ci ; je me livre moi-même à vous. « Afin que cette « parole qu’il avait dite fût accomplie : il n’a « perdu aucun d’eux (9) ». Au reste, cette perte, Jésus-Christ l’entendait, non de la mort du corps, mais de celle de l’âme, mais de la mort éternelle. L’évangéliste a en vue, en même temps, celle du corps.
Mais il y a lieu de s’étonner qu’ils ne se soient pas saisis aussi des disciples, et qu’ils ne les aient pas tous massacrés ; surtout Pierre les ayant fortement irrités, en blessant un des serviteurs. Qui les a retenus, qui les en a empêchés, sinon cette même puissance qui les a renversés et jetés par terre ? C’est pour montrer que ce n’est point par leur volonté, mais par la volonté et la vertu de celui même qu’ils ont réussi à prendre, que l’évangéliste ajoute : « Afin que cette parole qu’il avait dite fût accomplie : Nul d’eux ne s’est perdu ».
2. Pierre donc se sentant encouragé et par cette parole, et par ce qu’il vient de voir, s’arme contre ceux qui se jetaient sur son Maître. Mais comment, direz-vous, celui à qui il avait été ordonné de n’avoir ni sac, ni deux habits, a-t-il eu une épée ? Sans doute Pierre