Comme donc en ce moment ce qu’il faisait, laissait plus voir en lui, l’homme que le Dieu, s’il eût dit à ses apôtres qu’il pouvait perdre ces troupes qui le venaient prendre, ceux-ci ne l’eussent pas pu croire.
C’est pourquoi il leur dit modestement : « Pensez-vous que je ne puisse pas prier mon Père, et il m’enverrait aussitôt plus de douze légions d’Anges » ? (2R. 19,35) Si un seul ange autrefois eut la force de tuer cent quatre-vingt-cinq mille hommes armés, était-il besoin de douze légions d’anges contre un millier d’hommes ? Nullement ; mais il parle ainsi pour s’accommoder à la frayeur de ses disciples et à leur faiblesse ; car ils étaient à demi-morts de frayeur. Il s’appuie même sur l’autorité des Écritures, en disant : « Comment donc s’accompliront les Écritures, où il est « dit qu’il en doit être ainsi » ? Il ne pouvait leur dire rien de plus puissant pour leur ôter la pensée de le défendre : Puisque cela, leur dit-il, est ordonné et marqué même dans l’Écriture, pourquoi voulez-vous vous y opposer ? Mais, pendant qu’il parle de la sorte à ses apôtres, voyons ce qu’il dit à ces troupes qui le prennent.
2. « Vous êtes venus à moi comme à un voleur avec des épées et des bâtons pour me prendre : j’étais tous les jours assis au milieu de vous, enseignant dans le Temple, et vous, ne m’avez point pris (55) ». Voyez-en combien de manières il tâche de les faire rentrer en eux-mêmes. II les renverse tous par terre, il guérit la plaie de ce serviteur. Il les menace de les faire périr par l’épée, et accompagne cette menace d’un miracle, afin qu’ils en doutent moins. Ainsi, il leur fait voir par ce qu’il fait sur-le-champ, et par ce qu’il leur prédit de l’avenir, quelle est sa puissance, afin qu’ils n’attribuent point sa prise à leur propre force. C’est pourquoi il ajoute : « J’étais tous les jours au milieu de vous, enseignant dans le temple, et vous ne m’avez point pris » ; pour leur faire remarquer dans ces paroles qu’ils ne l’avaient pris dans ce moment que parce que lui-même le leur avait permis.
Il ne leur parle que de ses prédications, et non point de ses miracles, de peur qu’ils ne crussent qu’il leur parlait de ces choses par vanité. Vous ne m’avez point pris, leur dit-il, lorsque je vous enseignais, et vous venez m’attaquer lorsque je suis dans le silence, J’étais tous les jours dans le temple sans que personne m’arrêtât : et vous me venez chercher maintenant au milieu de la nuit, dans un lieu secret et solitaire. Qu’aviez-vous besoin d’armes pour prendre quelqu’un qui était tous les jours au milieu de vous ? Il prouve par toutes ces paroles que s’il ne se fût offert volontairement à la mort, ses ennemis n’auraient jamais eu de pouvoir sur lui. Car si lorsqu’ils l’avaient entre leurs mains, et qu’ils le tenaient au milieu d’eux, ils ne pouvaient néanmoins le prendre ; n’est-il pas visible qu’ils n’eussent pas eu alors plus de pouvoir sur sa personne, s’ils ne l’avaient reçu de lui-même ? Enfin l’Évangéliste fait voir clairement pourquoi les choses se passaient de la sorte, et lève toute ambiguïté lorsqu’il dit « Tout cela s’est « fait afin que l’Écriture et les prophéties fussent accomplies (56) ». Considérez, mes frères, qu’au moment même où l’on prenait le Fils de Dieu, il n’avait point d’autre pensée que de faire du bien à ceux même qui l’outrageaient. Il les guérit, il leur prédit des choses terribles, il les menace de l’épée, il leur montre combien il s’offrait volontairement à la mort. Et il fait voir qu’il n’avait qu’une même volonté avec son Père, en disant qu’il fallait accomplir les Écritures.
Mais d’où vient qu’ils ne le prirent pas dans le Temple ? C’était parce qu’ils craignaient le peuple. C’est pour cette raison que Jésus-Christ se retire de lui-même, qu’il va dans un lieu plus propre pour sa prise, et qu’il leur donne un temps et une heure favorable, afin de leur ôter jusqu’au dernier moment de sa vie tout prétexte de s’excuser à l’avenir. Car comment celui qui s’offrait lui-même pour être pris, afin d’accomplir les Écritures, eût-il pu être contraire à Dieu en aucune chose ?
« Alors ses, disciples l’abandonnant s’enfuirent tous (56). Mais ceux qui s’étaient saisis « de Jésus l’emmenèrent chez Caïphe qui était « grand prêtre, où les docteurs de la Loi et les sénateurs étaient assemblés (57) ». Lorsque les Juifs prenaient Jésus-Christ, et qu’ils le liaient, ses disciples ne s’enfuyaient point encore ; mais lorsqu’ils voient le Sauveur parler ainsi à ces troupes, et que, sans rien faire pour se défendre, il s’offre de lui-même pour être pris, et pour accomplir les Écritures ; c’est alors qu’ils s’enfuient tous pendant que les soldats mènent Jésus chez Caïphe.
« Or, Pierre le suivait de loin jusqu’à la cour de la maison du grand prêtre, et y étant
Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/52
Cette page n’a pas encore été corrigée