Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/517

Cette page n’a pas encore été corrigée

nous appelle bavards, ennuyeux, importuns, nous ne cesserons point pour cela de vous avertir, et de vous prêcher ces mêmes vérités, ni aussi de vous répéter à vous tous cette parole du prophète : « Rachetez vos péchés par les aumônes, et vos iniquités par les œuvres de miséricorde envers les pauvres, et attachez-les à votre cou[1] ». (Dan. 4,24) Ne faites pas aujourd’hui des aumônes, pour cesser d’en faire demain : le corps a tous les jours besoin de nourriture, et l’âme de même ; ou plutôt l’âme en a encore plus de besoin, et si elle ne donne, et si elle ne fait des œuvres de miséricorde, elle devient et plus infirme et plus hideuse.
Ne la négligeons donc pas dans ses maux, dans sa détresse : tous les jours la cupidité, la colère, la paresse, les injures, la vengeance, l’envie, font de grandes blessures à l’âme ; il faut donc lui appliquer (les remèdes ; et l’aumône est un grand remède qu’on peut appliquer à toutes sortes de plaies. « Donnez l’aumône », dit Jésus-Christ, « et toutes choses vous seront pures ». Donnez l’aumône de vos biens, et non de vos rapines : ce qui vient de rapine ne demeure, ne subsiste point, lors même qu’on le donne aux pauvres. La véritable aumône est celle qui n’est souillée d’aucune injustice : cette aumône purifie tout ; c’est une chose plus excellente que de jeûner et de coucher sur la dure : quoique cela soit plus pénible et plus laborieux, l’aumône cependant est d’un plus grand prix et d’un plus grand profit. Elle éclaire, elle nourrit et embellit l’âme. L’huile ne fortifie point tant les athlètes, que celle-ci donne de force et de vigueur à ceux qui s’exercent aux œuvres de piété et de miséricorde.
Frottons donc nos mains de cette huile, afin que nous puissions les lever courageusement contre notre ennemi. Celui qui prend la ferme résolution d’assister les pauvres, écartera bientôt de lui l’avarice : celui qui persévère dans l’assistance de l’indigent, chassera bientôt la colère, et ne s’enflera jamais d’orgueil. Comme le médecin habitué à soigner des malades, se soumet aisément à un régime, instruit par la vue d’autrui des infirmités auxquelles la nature humaine est sujette ; nous, de même, si nous nous consacrons au soulagement des pauvres, nous nous exercerons plus volontiers à l’étude de la sagesse, nous ne regarderons pas les richesses avec des yeux d’admiration, nous n’estimerons pas les choses présentes comme quelque chose de grand. Mais, méprisant tout ce qui est terrestre, et nous élevant au ciel, nous obtiendrons facilement les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soit la gloire et au Père, et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

  1. Attachez-les à votre cou : c’est-à-dire, ayez-les toujours présentes : soyez toujours prête à exercer la charité.