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ouvrage aurait été beaucoup au-dessous de la gloire qu’il devait procurer à son Père. Mais, un grand nombre de témoignages démontrent d’une manière visible et manifeste que Jésus-Christ s’est volontairement porté à faire tout ce qu’il a fait. Écoutez, par exemple, ce que saint Paul déclare : « Il nous a tant aimés, « qu’il s’est livré lui-même pour nous ». (Gal. 2,20) Et : « Il s’est anéanti lui-même, en prenant la forme de serviteur ». (Phil. 15,9) Et encore ce que dit saint Jean : « Comme mon Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés ».
Mon Père, « glorifiez-moi en vous-même de a cette gloire que j’ai eue en vous, avant que le monde fût (5) ». Et où est cette gloire ? Qu’il ait été sans gloire devant les hommes à cause de la chair dont il s’était revêtu, soit ; cela n’est point étonnant – mais pourquoi demande-t-il à être glorifié devant Dieu ? Le Sauveur parle ici de son incarnation, et il veut dire que sa nature charnelle n’a point encore été glorifiée, qu’elle n’a point encore acquis l’incorruptibilité, qu’elle n’a point encore participé au trône royal. Voilà pourquoi il n’a pas dit : Glorifiez-moi sur la terre, mais « en vous-même ».
3. Nous aussi nous participerons à cette gloire selon la mesure qui nous est propre (Eph. 4,16), si nous sommes vigilants. Voilà pourquoi saint Paul dit : « Pourvu toutefois que nous souffrions avec lui, afin que nous soyons glorifiés avec lui ». (Rom. 8,17) Donc ils sont dignes de toutes nos larmes, ceux qui, ayant en perspective une si grande gloire, se dressent à eux-mêmes des embûches par, leur lâcheté et leur assoupissement. Et, n’y eût-il point d’enfer, ils seraient encore les plus misérables de tous les hommes, puisque pouvant régner avec le Fils de Dieu et jouir de sa gloire, ils se privent volontairement eux-mêmes d’un bien si grand et si excellent. Et, en effet, fallût-il subir mille morts, livrer tous les jours mille corps et mille vies, ne devrions-nous pas souffrir toutes ces choses pour acquérir une gloire si brillante et si immense ?
Mais maintenant nous ne méprisons même pas les richesses : ces richesses, qu’un jour enfin il nous faudra quitter, même malgré nous. Nous ne méprisons point les richesses, lui nous accablent d’une infinité de maux et les multiplient chaque jour ; qui resteront ici, et qui ne sont point à nous. Nous ne faisons que gérer des biens dont nous n’avons pas la propriété, encore que nous les tenions de nos pères. Mais lorsque l’enfer s’ouvrira sous nos pieds, comment pourrons-nous supporter ce ver qui ne meurt point, ce feu qui ne s’éteint point, et ce grincement de dents ? Jusques à quand différerons-nous d’ouvrir les yeux ? Jusques à quand passerons-nous nos jours dans des querelles, dans des contestations et des guerres, dans des entretiens vains et inutiles ? Nous cultivons la terre, nous engraissons nos corps, et nous négligeons notre âme nous n’avons aucun soin du nécessaire, et nous nous inquiétons pour des choses frivoles et superflues. Nous construisons de magnifiques mausolées, nous achetons de superbes palais, nous nous faisons accompagner d’un grand cortège de domestiques de toute nation ; nous préposons des intendants et des surintendants à la garde de nos terres, de nos maisons, de nos trésors ; et nous n’avons aucun soin de notre âme, et nous la laissons dans l’abandon ! Quelle sera la fin de toutes ces choses ? Avons-nous plus d’un ventre à remplir ? Avons-nous à entretenir plus d’un corps ? Pourquoi donc tant de tracas et de tumulte ? Cette âme, que le Seigneur nous a donnée, pourquoi la divisons-nous, pourquoi la partageons-nous entre tant d’offices et de ministères, nous créant à nous-mêmes de cruelles servitudes ? Celui qui a besoin de beaucoup de choses est esclave de beaucoup de choses, quoiqu’il semble être au-dessus : il est lui-même serviteur de ses serviteurs, et il en dépend plus qu’ils ne dépendent de lui, se faisant un autre genre de servitude plus dure que la leur. Il est esclave d’une autre manière, n’osant aller ni à la place ni au bain sans ses domestiques et ses serviteurs ; mais eux, ils vont souvent de tous côtés sans leur maître. Celui qui semble être le maître n’ose sortir de sa maison, s’il n’a son monde avec lui ; et s’il parait même un instant hors de chez lui sans son cortège, il se croit ridicule.
Peut-être quelques-uns rient de nous, cri nous entendant parler de la sorte : mais c’est en cela même qu’ils sont plus dignes de nos pleurs. Et pour vous montrer que c’est là une véritable servitude, je veux vous faire une question : voudriez-vous avoir besoin de quelqu’un pour vous mettre les morceaux à la bouche ou la coupe aux lèvres ? Ne vous regarderiez-